Contrairement à Adrienne, friande de musées et d'expositions, je suis un béotien. Je ne pratique ce genre d'endroits que contraint et contrit.
Aussi mon épouse (qui elle, bien entendu, adore ça) a-t-elle été bien étonnée lorsque je lui ai déclaré la semaine dernière : "Mercredi, nous irons au Bozar voir l'expo consacrée à Lucas Cranach". (Bozar, c'est le nouveau nom du Palais des Beaux-Arts choisi suite à une des innombrables querelles linguistiques inhérentes à mon délicieux pays, mais ça c'est une autre histoire dépassant l'entendement du Français moyen.)
À peine débarqués au fameux Palais (œuvre de Victor Horta), ça a démarré sur les chapeaux de roues : comme il faisait potable, je portais un blouson de daim que le préposé au vestiaire, prétextant des problèmes d'hygrométrie, m'a obligé à déposer et, par la même occasion, à vider de son contenu que j'ai bien eu du mal à caser dans les poches de mon pantalon. D'accord, je n'avais pas vraiment besoin de deux stylos à bille, d'un porte-mine, de mon GSM, de ma carte d'entrée au jardin botanique, de la batterie de rechange de mon appareil photo... mais j'emporte ce que je veux quand même ! Non, mais...
J'ai donc pu pester pendant toute la visite contre cette incroyable discrimination vis à vis des blousons puisque tous les mecs à costard que j'ai croisés avaient, eux, classe oblige, été autorisés à conserver leur veste. Et je ne vous parle même pas de la demi-douzaine de rombières emmitouflées dans leur manteau malgré le fameux "vestiaire obligatoire pour raison de préservation des œuvres exposées".
Je me les suis donc gelées en parcourant l'exposition puisque, pour les mêmes raisons de préservation etc etc, la température intérieure était à peu de chose près la même que celle du dehors.
Je ne parviens toujours pas à comprendre ce qui a pu me pousser à prendre cette décision irréfléchie. Ce ne serait quand même pas le vague souvenir de l'image de cette nana à poil portant crânement de guingois un grand chapeau que ne renierait pas la reine Fabiola ?!
Qu'est-ce qu'un petit-fils de la mère Flandre, berceau des Bosch, van der Weyden, Brueghel(s), Van Eyck, Metsys, van Dijck, Rubens... peut bien avoir à faire d'un étranger qui s'il sait peindre un œil, éprouve bien du mal à en faire un deuxième qui semble vraiment appartenir au même visage (même mon épouse qui se montre pourtant compréhensive envers le artistes, l'a remarqué). On comprend qu'il soit venu prendre des leçons chez les Flamands. D'autant que côté gravure, voyant leurs œuvres exposées côte à côte, je préfère le style plus incisif d'Albrecht Dürer, un de mes peintres favoris depuis le temps lointain où j'ai, médusé, découvert son lièvre.
La semaine dernière, c'était aussi le moment où il avait fallu pétitionner grave pour tenter d'éviter la lapidation à une petite dame, arguant avec la clairvoyance bonhomme du brave Georges "Ne jetez pas la pierre à la femme adultère, je suis derrière..." et me faisant dans ma candeur naïve, maudire l'Islam et l'Iran. Et qu'est-ce que ceci a à voir avec cela, me direz-vous, déroutés... J'y viens :
Dans cette expo, je tombe sur trois représentations de "Jésus et la femme adultère". Tableaux dans lesquels des Juifs serrent dans leurs mains des pierres dont l'adaptation parfaite à leur paume suggère une sélection préalable soignée, me rappelant paradoxalement le criblage du charbon au temps de ma jeunesse.
La lapidation se trouverait donc être une sorte de coutume des peuples sémites.
Sémites. Paf ! Le mot de trop ! Le MRAX risque de me tomber dessus, même s'il pourrait d'abord examiner sa propre appellation. Sérieusement, comment peut-on se poser en pourfendeur des discriminations et s'intituler mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie ?
Qu'est-ce que c'est que cette discrimination ? Pourquoi faut-il distinguer l'antisémitisme de la xénophobie ? Les sémites nous seraient-ils (comme les cochons d'animal farm, comparaison malheureuse en la circonstance j'en conviens) plus étrangers que les autres ? Qu'est-ce que c'est que ce traitement de faveur (si j'ose dire) ? On croit rêver !