Encore le tram
La pile de ma montre est morte.
C'est une Omega, en or (pas la pile, la montre).
Des goûts de luxe, moi ? Mais non ! Je l'ai reçue de mon employeur à l'occasion de mes quarante ans de service et je ne peux pas la revendre, elle a mon nom et les dates de mes exploits gravés au cul.
Une Omega, c'est comme une banque suisse, faut un sésame pour y entrer, donc, quand tu veux changer la pile, tu dois te dégoter un bijoutier nanti du passe d'ouverture.
Je prends donc le 3 pour me rendre en ville. Quand je le quitte à la station Rogier, je me retrouve derrière une jeune beauté maghrébine. Je l'avais déjà remarquée debout sur la plate-forme du tram : visage aux traits réguliers mais à l'expression sévère, taille fine soulignée par la ceinture étroitement serrée de sa veste claire, longues jambes moulées dans un pantalon noir, bottes montant jusque sous les genoux.
Inspiré par les leçons de l'Adrienne, je décide de la suivre (remarquez qu'à Rogier, quoique vous décidiez, vous partagez sur une assez longue distance votre itinéraire avec la moitié des voyageurs descendus de votre tram).
Mal m'en a pris. Pas qu'elle fût surveillée par son frère, non : à la traîne de son pas énergique et régulier au travers du hall, au long des couloirs, tapis et escaliers roulants, je vous assure que j'ai souffert ! Je n'ai été sauvé que par le surgissement sur notre gauche de l'officine de la bijouterie, but de mon périple.
Merci Adrienne ! C'était un peu comme quand le chien me promène, sauf que lui, s'il me fatigue également, il a une laisse et ne risque donc pas de me semer.
Pour ma prochaine filature, en lieu et place d'une toute en jambes, je choisis une grassouillette courte sur pattes et de préférence surchargée de paquets.
Et avant, je reprends l'entraînement... intensif !