Les petits Suisses
Vous n'êtes sans doute pas assez âgés pour avoir connu cette émission où la bande à Martin se moquait de ses voisins helvètes bien avant de s'en prendre aux belges. Mais bon, on ne va pas en faire un fromage, non plus !
Durant mes vacances, j'ai moi aussi eu droit à ma journée suisse.
C'était celle de notre première sortie en vélo.
Mon épouse avait manifesté à la propriétaire de notre chambre d'hôtes son intention d'aller sur l'île de Ré et d'y louer des vélos. Cette aimable personne s'était alors renseignée et nous avait annoncé que le "Camping du petit port de l'Houmeau" en louait.
Nous nous sommes donc, une fois notre petit-déjeuner expédié, rendus à ce camping et y avons loué les bicyclettes fraîchement révisées dont je vous ai parlé dans le billet précédent. Ayant laissé notre voiture dans leur parking, nous avons courageusement enfourché nos engins et sommes partis vers le port du Plomb.
Lorsque parvenu au sommet de la première côte(lette) de la route, je me suis retourné pour voir si mon épouse suivait, je l'ai aperçue qui marchait à côté de son vélo. Voilà pourquoi, lorsqu'elle m'a eu rejoint, nous avons décidé qu'elle roulerait à son rythme (ou marcherait, selon les circonstances) en tête, question que je ne la perde pas de vue.
Nous avons atteint puis traversé le port et son petit pont-levis et avons commencé à longer la côte vers le nord. Au bout de trois ou quatre kilomètres, mon épouse s'arrête et déclare que nous aurions dû emporter de l'eau, parce qu'elle avait la gorge sèche. Je lui ai donc dit de m'attendre en prenant quelques photos et je suis parti quérir deux bouteilles d'eau dans le coffre de ma bagnole devant le camping, faisant ainsi l'enivrante expérience des porteurs d'eau des pelotons cyclistes.
Une fois étanchée notre soif, nous sommes repartis vers le nord à seule fin que je me retrouve le nez dans mon caca (on dit ça chez vous ?) : moi qui prétendais depuis le matin que notre logeuse lorsqu'elle parlait de golf, entendait le golfe, l'espèce d'anse marine pénétrant dans les terres que nous longions depuis notre départ du port du plomb, j'ai été le premier à repérer sur notre droite, en face des carrelets, les deux gugusses se déplaçant sur un green en traînant leur caddie.
Vexé, j'ai décrété qu'il nous fallait faire demi-tour si nous voulions rallier le Café de la Mer à une heure acceptable pour le déjeuner. Non mais des fois !
En arrivant presque en vue de l'endroit, nous tombons sur une camionnette un brin vétuste qui bouche d'autant mieux le chemin qu'elle stationne bien en son milieu, les portières largement ouvertes. La chose est immatriculée en Confédération Helvétique et plus précisément dans le canton de Vaud. Nous mettons pied à terre pour la contourner et apercevons au passage le couple propriétaire de l'obstacle : ils commentent... en allemand (ou un langage apparenté) le spectacle de l'océan, qui semble les fasciner comme le trio de la veille.
Nous les avons laissés à leur contemplation et avons rejoint le restaurant. Les tables de la terrasse face à la mer sont toutes réservées (pour un troupeau d'Anglaises qui vont mener un ramdam d'enfer pendant tout notre repas) et nous nous installons dans une petite cour à l'ombre de yucas en fleurs. La patronne nous amène les cartes, nous reconnaît et, lorgnant nos bicyclettes rangées un peu plus loin dans la cour, recommande la sienne à notre surveillance sur un ton goguenard : nous sommes adoptés !
Nos deux Suisses font alors leur entrée et s'installent à une table proche de la nôtre (ils auraient eu du mal à en choisir une éloignée au vu de l'exiguïté de l'endroit). La patronne refait son apparition et se voit commander une boule de glace pour la dame et un café pour son compagnon.
Ce qui m'a le plus amusé fut le moment de l'addition : pour régler les trois euros et quelques qu'atteignait cette dernière, le mec a extrait de sa poche un portefeuille en cuir de dimensions impressionnantes, percé d'un anneau que je me serais plutôt attendu à trouver au nez d'un taureau andalou et relié à la ceinture de son short par une chaîne à laquelle Hercule lui-même aurait hésité à s'attaquer. Un ancien gardien de banque suisse ? Un ex-garde suisse ?
J'adore les Suisses !
Je me dois de signaler que ces sympathiques personnages ont été les seuls que j'aie vu laisser la monnaie de l'addition à la patronne-serveuse, rendons à César ce qui est suisse !