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Entre nous
24 juin 2009

The day after

Quand, comme hier, après quelques journées maussades, surgit un jour resplendissant où éclatent toute la beauté et toute la richesse de la nature, invariablement me revient en mémoire le titre du premier chapitre d'un roman-feuilleton qui paraissait dans mon hebdo-jeunesse favori : "Le dernier beau jour de la terre".

C'était dans les années cinquante.

À l'époque, le futur absolu était l'an 2000. Avant de nous conter l'invasion de notre bonne vieille terre par des extra-terrestres, l'auteur nous décrivait notre planète dans la première année du siècle actuel. Ce ne devait pas être un très grand visionnaire, car de ce qu'il nous annonçait pour 2000, je n'ai rien vu advenir, sauf, bien plus rapidement d'ailleurs, les petits parapluies-cloches transparents (loué soit le PVC bourré de plastifiant).

Je trouve bien évidemment étrange d'associer un beau jour au fait qu'il puisse être le dernier mais que voulez-vous, c'est incontrôlable, une sorte de réflexe conditionné. Inquiétant donc, puisque je pense comme le chien de Pavlov bavait. À noter que Pavlov parlait de réflexe conditionnel et non pas conditionné.

Mais en réfléchissant à la question, ce n'est pas plus mal, finalement, d'avoir ce genre de pensée automatique qui m'incite à profiter pleinement du bonheur présent. Car si ce beau jour n'est sans doute pas le dernier de la terre, il pourrait très bien être le mien !

paracloche


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22 juin 2009

La Chaskañawi

Aujourd'hui, Émilie, notre petite-fille, termine ses examens.

Pour fêter cela, elle voudrait que nous l'emmenions au restaurant chinois — toujours ça de pris au cas où les résultats ne seraient pas à la hauteur de ses espérances à la réception du bulletin.

Nous allons, bien sûr, nous exécuter.

Accessoirement, elle ramène avec elle une condisciple que nous engloberons dans l'offre.

Il se trouve que cette enfant est la fille d'une amie de la nôtre. Et il me revient qu'à une époque, comme notre fille trouvait sa copine un brin anorexique, nous les avions déjà emmenées toutes deux à plusieurs reprises dans un restaurant, bolivien celui-là. Il s'appelait "La Chaskañawi" et était tenu par le mari d'une de nos anciennes cheftaines de troupe d'éclaireuses.

Le temps passe, les générations changent...

Cherchez l'erreur !

bonnet_bolivien


4 mai 2009

Arthur est mort

Je vous entends venir : "Ouais, et Camelot est en ruines !"

Mais il ne s'agit pas de cet Arthur-là, ni d'ailleurs de celui qui sévit sur les chaînes françaises (dommage diront quelques langues de vipère).

Non, il s'agit d'un de mes premiers chefs, au labo. Un cas !

CordyIl était originaire du bas-Laeken, comme Annie Cordy (Leonia Cooreman) aujourd'hui baronne. Il avait sept ans de plus qu'elle, je vous laisse vous débrouiller avec son âge à son décès (pour son âge à sa naissance, je ne vous demande rien).

Il avait conservé le truculent accent local et appelait tout un chacun "fieu" ("fils" en brusseleir), sauf sa hiérarchie, bien entendu, on ne plaisantait pas avec les marques de respect à l'époque. Quand il vous parlait de vos propres collaborateurs, il disait "vos sbires".

Il aura bien résisté, lui qui blêmissait lorsqu'il tombait sur le journal (négligemment disposé à son intention sur le coin d'une paillasse) annonçant "Nat King Cole meurt à quarante-six ans !"

Dans ses labos, il y avait une ambiance folle. Surtout quand il n'était pas là. Chez nous, les labos portaient des numéros, si bien que quand on nous demandait où nous travaillions, nous répondions "au Stalag 12". Quand un nouveau débarquait (c'était fréquent dans ces Golden Sixties) et qu'il sortait, gonflé à bloc, du bureau vitré d'Arthur, nous lui serrions la pince, l'air contrit, en murmurant "condoléances".

Les quelques années que j'ai vécues sous ses ordres ont quand-même été parmi les plus joyeuses toute de mon existence. C'est qu'à l'époque, voyez-vous, nous étions jeunes (pour certains), nous étions fous (pour tous), ça aide.

Parmi les innombrables anecdotes que son décès m'a remises en mémoire j'en ai sélectionné une, bien gentille :

Un jour notre ami Jean (celui dont je prétends régulièrement qu'il est le père de mon fils, mais ceci est une autre histoire) se paie une hépatite.

Au bout d'une quinzaine de jours, le chef se fend d'une visite à son domicile, question de  voir si ça va encore durer longtemps, imaginons-nous.

Il se pointe, sourire aux lèvres, salue femme et enfants (lesquels trouvent le gaillard charmant, "Mais qu'est-ce que tu nous racontes ? Il est très gentil ton chef !") et pérore à qui mieux mieux pendant quelque temps, buvant force café et dévorant moult biscuits (gâteaux pour les Frenchies).

Sur le point de sortir, il avise un bocal muni de son poisson rouge et déclare aux enfants : " Il est marrant votre poisson, il a un nom ?".

Le chœur des gosses : "Arthur !"


22 avril 2009

Cool, ma poule !

Dans un de ses récents commentaires, Papistache s'inquiétait de savoir si j'avais vidé la poule avant de la cuire. Cette question badine, associée au fait que, dans ce restaurant aux allures suisses que je mentionnais en fin de mon dernier billet, le Chef (chez moi, les Cons ont droit à la majuscule) se soit adressé à mon épouse en l'appelant "ma poule", m'a fait souvenir d'un épisode de mes aventures juvéniles.

Un jour, alors que j'étais chef d'équipe des aspirants dans mon clan, le chef de troupe des éclaireurs me demande de venir assurer l'intendance de son camp.

Cela se passait à Dourbes, dans l'entre Sambre et Meuse. Beaucoup plus près de la Meuse que de la Sambre d'ailleurs.

Le staff de troupe décide d'organiser un concours de cuisine. Il s'agissait pour chaque patrouille de réaliser un repas à partir d'une même série d'ingrédients. Parmi ceux-ci : une poule.

Un assistant et moi dégotons donc une ferme à Nismes et en ramenons chacun deux poules dans un carton solidement ficelé sur le porte-bagages de nos vélos.

Pour corser les histoires, les chefs décident de procéder comme suit : à une des pattes de chacune des poules, on attache une ficelle d'environ deux mètres avec à son extrémité une étiquette portant le nom d'une des patrouilles. À charge pour ces dernières de capturer leur poule et de la trucider.

Ils avaient sans doute imaginé je ne sais quel match poursuite à travers le terrain de camp, mais ils en ont été pour leurs frais. Au coup de sifflet, les poules disposées au centre du cercle formé par les éclaireurs, n'ont pas bronché d'une plume. Les gaillards se sont rués sur elles, se les sont échangées pour récupérer chacun la leur, au grand désespoir des chefs.

C'est alors que ça s'est corsé !

Personne ne voulait les tuer. C'est moi qui ai dû officier. Sur un camp scout, ce n'est pas le matériel qui manque : haches, billots, tout est à disposition. D'autre part, à l'époque, je ne m'étais pas encore, chère Teb, transformé en citadin. Chez moi, on élevait les lapins pour les boulotter, pas pour les regarder creuser, comme mon beau-fils.

D'autre part, une poule, c'est facile à tuer : vous la saisissez par les pattes, vous la posez sur le billot, elle tend le cou toute seule et... ce n'est que quand vous la lâchez qu'elle se met à courir, décapitée.

Tant qu'il s'est agi de plumer les bestioles, ça s'est encore bien passé. C'est quand il a fallu les vider que c'est devenu intéressant !

Il y en a qui les secouaient au-dessus de la fosse à déchets, sans même les ouvrir en espérant que ça se vide tout seul. Quand je leur ai eu (rôle d'intendant oblige) expliqué qu'il fallait leur ouvrir le ventre pour pouvoir le faire, j'ai assisté à une scène des plus intéressantes : un des éclaireurs tenait le cadavre à bout de bras en détournant la tête, tandis que l'autre, fourrageait de sa main droite dans la carcasse. À l'aveuglette, puisqu'il avait le bras droit derrière lui tandis qu'il se bouchait le nez de la main gauche, le corps complètement détourné de l'opération en cours.

C'est, bien évidemment moi qui ai dû m'assurer que tout avait été correctement nettoyé et rincé avant de donner le feu vert à la suite des opérations.

Je ne me rappelle plus du goût de la poule, par contre je sais que mon frère puîné avait voulu faire une sauce blanche mais avait oublié de la cuire, c'était légèrement farineux !

poules_herbe


8 mars 2009

Portes ouvertes

Un beau jour, le Directeur du Centre de Recherche décide d'organiser des journées "Portes Ouvertes" pour les familles des membres du personnel. On sélectionne soigneusement les endroits à rendre accessibles. Immanquablement, quelques techniques d'analyse sont élues pour leur côté "spectaculaire".

Cela se passe bien entendu le weekend et je suis désigné "volontaire" pour faire les honneurs de mon labo de microscopie optique aux groupes de visiteurs.

Ce qu'il y a de bien avec les techniques modernes, c'est que les caméras digitales vous permettent d'afficher les images sur un moniteur et d'éviter le défilé fastidieux des spectateurs venant se pencher sur les oculaires pour tenter d'apercevoir quelque chose (et déréglant en passant la mise au point, c'est dingue ce que les gens sont sensibles à l'attrait des boutons de réglage moletés).

Le côté didactique de la chose n'était pas très dérangeant. Des sessions d'initiation aux techniques d'examen étant régulièrement organisées pour le personnel ou des visiteurs étrangers (clients, étudiants, etc), nous disposions d'un matériel de démonstration bien au point : affiches murales, échantillons etc.

Pour expliquer les examens en lumière polarisée, nous avions un montage de deux films polarisants d'une trentaine de centimètres de diamètre et distants d'une vingtaine. Le film avant avait une monture permettant de le faire tourner et l'ensemble était rétroéclairé au moyen d'un bac à lumière.

Un filtre polarisant ne laisse passer que la lumière vibrant dans un seul plan. Si bien que si vous en collez deux à la suite l'un de l'autre dont les plans de polarisation sont perpendiculaires, plus aucune lumière ne passe. Vous pouvez constater cela en jouant avec deux paires de lunettes solaires "Polaroïd".

Si vous introduisez entre eux un objet transparent où la mise en œuvre a induit des tensions, ces zones de tension font elles aussi tourner le plan de la lumière et vous obtenez des images irisées du plus bel effet.

J'utilisais pour cette démonstration un de ces raviers à fruits thermoformés que nous connaissons tous. Et l'on pouvait voir très nettement au sein de l'image irisée les quatre ronds noirs correspondant aux trous présents au fond de ces raviers.

Je demandais alors au public la raison de la présence de ces orifices mystérieux. Et devant leur silence, leur déclarais qu'il ne servaient pas à évacuer le jus résultant de la dégradation des fruits consécutive à leur abandon plus ou moins prolongé au sein du frigidaire, antichambre de la poubelle comme chacun sait, mais simplement à éviter l'emprisonnement de l'air entre deux raviers lors de leur empilement à la sortie de la machine servant à leur fabrication.

L'évocation de ce jus suspect faisait naître sur le visage des enfants de merveilleuses grimaces de dégoût. Il y en a même qui se tâtaient les doigts, comme si ça collait ! Preuve du bien fondé de mon hypothèse.

Et j'en viens aux enfants : leur faculté d'émerveillement est sans limite. L'ennui, c'est que leur dynamisme l'est aussi. Si, déjà avec les "grands" il faut veiller au grain (le matériel scientifique ne résiste pas à tout), avec les enfants, particulièrement ceux ayant bénéficié des méthodes d'éducation modernes, y a de quoi faire ! J'en ai rattrapé un d'environ trois ans qui se hissait sur un tabouret à la force du poignet, les mains solidement agrippées aux oculaires d'un des microscopes de laboratoire.

Est-ce que les Directeurs ont des enfants ?

Microscope


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24 février 2009

À la demande générale... de Teb

Pour la gouverne de Teb qui s'inquiétait de la chose, la petite nappe sous l'alimentation dans la photo du message d'hier a été réalisée par mon épouse alors qu'elle était encore à l'école (c'est vous dire si c'est neuf).

Elle (Teb) m'avait pris au sérieux lorsque je lui parlais de mon travail au point de croix. Chose promise, chose due, je lui montre l'abécédaire que j'avais commencé il y a bien longtemps et qui est suspendu à la lettre Q.

Croix_01

Et quelques vues rapprochées ?

Croix_02

Croix_03

Croix_04


16 février 2009

Mini musée

Dans l'unique classe de cette école avec laquelle je vous bassine depuis un petit temps, se trouvaient deux meubles extraordinaires : une grande armoire vitrée en pin teinté et verni et ... un coffre-fort !

Et quand je dis "coffre-fort",  je ne parle pas d'un machin de chambre d'hôtel. Le cancre y entrait facilement. Même qu'un jour on avait refermé la porte sur lui et qu'il en était ressorti à moitié étouffé. Quelle bête ! (le coffre, pas le cancre) la porte et les parois faisaient au bas mot vingt centimètres d'épaisseur. Aujourd'hui encore, je ne parviens pas à imaginer à la suite de quelles circonstances il avait pu échouer là. Mais il y était, occupant un coin entre la fenêtre et le tableau de marbre noir poli. Sauf pour le coup du cancre, je ne l'ai jamais vu fermé, il servait de rangement pour un tas de matériel hétéroclite.

Assez pour cette pièce de mobilier incongrue. Venons-en à l'armoire vitrée. Seul le haut l'était. Le dessous était une sorte d'énorme buffet et contenait du matériel scolaire : livres, cahiers, encres, plumes, crayons, touches, ardoises, papier dessin, aquarelle, couteaux à casser (les ancêtres des "cutters") qui n'effrayaient alors personne. Rien que de très classique, en somme, sauf qu'il y en avait à profusion : les études étaient vraiment gratuites à l'époque pour ce niveau d'enseignement.

Mais c'est la partie vitrée qui était la plus étonnante : c'était une sorte de cabinet de curiosités. On y trouvait (liste non exhaustive)

  • Une molaire d'éléphant (la Belgique disposait d'une énorme colonie africaine)
  • Un tas d'outils de pierre taillée, percuteurs, grattoirs, pointes de flèches, haches et une hache en pierre polie d'un fini irréprochable (Spiennes et ses carrières de silex se trouvait à quelques kilomètres et il suffisait d'y suivre un agriculteur retournant les champs voisins pour y faire d'intéressantes découvertes)
  • Une étonnante collection de fossiles divers et particulièrement l'empreinte, sur une plaque de schiste de plus de soixante centimètres de long, d'une fougère du carbonifère (rapportée du charbonnage local par le père d'un des élèves)

La collection allait s'enrichissant au fil des dépôts. Un jour, un innocent avait dégoté dans je ne sais quel grenier un livre de comptes d'un menuisier-charpentier de l'époque où les Autrichiens et les Français occupaient alternativement la région. Ça n'a pas raté, nous nous sommes plongés dans de merveilleux calculs d'équivalence grâce à ce maudit artisan qui avait pris un malin plaisir à noter le détail de ses gains et de ses dépenses. Comme si ça ne suffisait pas avec le système sexagésimal des degrés, minutes et secondes, nous avons eu droit au vicésimal des sols et au dodécimal des deniers...

Allez, à votre avis : combien de liards dans une livre tournois ? VDM, comme dit l'autre !

molaire


6 février 2009

Le chemin de l'école

Par le fenêtre, ce matin, j'aperçois une jeune femme. Elle est grande et marche d'un bon pas. Elle pousse... une poussette. À ses côtés, un petit garçon. Son allure est étrange : mi pas rapide, mi course. Il est pressé, stressé déjà, tricotant de ses petites jambes pour se maintenir au niveau de sa mère.

Et je me revois sur le chemin de l'école primaire, plus âgé que lui, bien sûr. Mais quelle différence !

Après trois cents mètres de chemin en terre battue où, tel un preux chevalier, je décapitais au passage les herbes folles du bord de la Haine qui roulait en contrebas ses eaux, noires de charbon, je franchissais la rivière pour saluer mon ami le pontonnier. Je sautais alors à pieds joints sur les dernières poutres de bois pour faire sursauter le tablier du pont enjambant le canal et le faire cogner contre son verrou.

Je passais devant le "Café de la marine" (dit "Au coup d'happiette") et, quelques dizaines de mètres plus loin, devant une sous-station électrique. Elle me paraissait mystérieuse, entourée de ses hauts murs dont dépassaient les cimes de quelques arbres. C'est qu'elle semblait indépendante de la centrale thermique dans la cour de laquelle j'habitais. Cela ne manquait pas de m'inquiéter : des réseaux séparés à quelques mètres de distance...

r_frig_rantLes alentours de cette sous-station avaient une étrange particularité. Les tours de réfrigération de la centrale où travaillait mon père crachaient jour et nuit dans le ciel leurs nuages de vapeur et certains jours, le vent rabattait ceux-ci dans la direction de l'endroit, ce qui fait que par beau temps il y pleuvait souvent et qu'en cas de gel, la route y était verglacée.

Une centaine de mètres plus loin, il fallait franchir une petite rivière. Quel contraste avec la Haine ! Ici, pas de courant visible et des eaux absolument limpides. Du côté que j'estimais être l'amont, elle surgissait de sous un bouquet d'arbres, elle était remplie de plantes aquatiques et des touffes de massettes agrémentaient ses bords. De temps à autre, l'éclair d'un petit poisson ou le "plouf" d'une grenouille. De l'autre côté, elle semblait s'évanouir dans les prairies. Peut-être, après tout, était-ce plus un étang qu'une rivière ? Je ne le saurai jamais : et le poste et la "rivière" ont disparu lors du creusement du canal à grand gabarit.

Un peu après le pont, je tournais à gauche, longeais l'arrière de quelques maisons, passais derrière une ferme et pénétrais dans les prairies qu'un sentier traversait, longeant un mur de briques dangereusement penché. À chaque clôture, il fallait franchir un tourniquet, sorte de croix en fer forgé plantée sur un piquet de bois et qui, en tournant, grinçait délicieusement. À force d'y passer, je reconnaissais le chant spécifique de chacun d'entre eux. Sur ce bout de trajet, j'avais le cœur battant : mes copains m'avaient raconté tant d'histoires de charges de taureaux furieux, alors qu'il ne paissait là que de paisibles vaches...

Je remontais alors un chemin de terre pentu pour déboucher... près de la boucherie qui constituait un des coins du carrefour dont mon école en était un également. Les deux autres étaient, bien évidemment, des bistrots (en Belgique, on dit "cafés"). La boucherie arborait fièrement une pancarte signalant qu'on y vendait de la viande "indigène du pays".

Le boucher, lui, se trouvait généralement dans le café qui faisait face à l'école. Et nos journées étaient rythmées par les cris de son épouse qui l'appelait dès qu'un client se pointait.

Quel temps heureux, où l'école était un vrai bonheur et son chemin un rêve, à travers ce paysage immuable et pourtant chaque jour renouvelé.

massette


1 février 2009

Idée lumineuse

Un beau jour, je reçois pour ma Saint-Nicolas un des premiers exemplaires de "L'œil magique". Un truc dont on ne voudrait plus aujourd'hui, du moins dans cette version primitive, mais qui pour ces années cinquante faisait figure de jouet à la pointe de la technologie.

Il s'agissait d'un fond de carton sur lequel étaient disséminés de petits plots métalliques. Du boîtier cartonné contenant le fameux oeil (une vulgaire ampoule électrique comme on en utilisait pour l'éclairage des bicyclettes) sortaient deux fils terminés par une fiche mâle.

Une série de cartons illustrés et perforés à l'endroit des plots était fournie avec le jeu. Il suffisait d'en disposer un dans le fond de la boîte pour disposer d'une série de questions et... de réponses. Si au moyen des fiches vous touchiez le plot d'une question d'une part et celui de sa réponse de l'autre, miracle, la loupiote s'allumait.

Les plots des questions étaient disposés en colonnes régulières, ceux des réponses semblaient l'être de façon aléatoire, sauf quand vous mettiez en place le carton comportant une carte de Belgique où leur position correspondait à l'emplacement des villes et rivières principales du pays.

L'ayant étrenné, je demandai à pouvoir l'emporter à l'école le lendemain pour le montrer à l'instituteur.

Je pensais l'étonner, il n'en fut rien. Lorsque je lui montrai la chose, il déclara simplement : "Astucieux !"

Je rentrai donc chez moi en proie à une profonde déception.

De retour à l'école, le lendemain, stupéfaction : sur le bureau du maître, des mètres et des mètres de fil de sonnerie (à l'époque ce fil était isolé par une gaine en fil de coton), quelques piles (il n'y en avait alors que des plates), quelques petits sockets en bakélite munis de leur ampoule   et des boîtes d'attaches parisiennes. Pour le reste du matériel, carton Lyon et papier grand format, il y avait du stock sur place.

Les enfants, nous dit-il, votre condisciple a eu la bonne idée de nous montrer un merveilleux jouet didactique. Je vous propose d'en découvrir le principe et, tant qu'à faire, d'en réaliser quelques exemplaires qui nous seront bien utiles.

Ça nous a pris quelques jours pour coller le papier sur le carton,  clouer le carton sur un cadre en bois, reporter sur le papier la carte de Belgique figurant sur celle en toile cirée destinée à être suspendue devant la classe, établir la liste des données, perforer les panneaux aux endroits ad hoc, passer les attaches dans les trous, relier entre elles au moyen du fil celles qui se correspondaient.

Si bien qu'à la fin de l'année, nous avons pu passer notre épreuve de géographie sur mon bête jeu version maxi. Nous avions fabriqué nous-même les instruments de notre supplice !

VDM, comme dit l'autre...

parisienne

belghydro


30 janvier 2009

Une brique dans le ventre

Le Belge est réputé avoir "une brique dans le ventre".

Je dois être un mauvais Belge car je ne suis propriétaire d'aucune brique. Pourtant, un jour, j'en ai eu une. Une que, pour tout dire, j'avais fabriquée moi-même. Hélas, je ne l'ai plus, elle a été intégrée à un muret...

Un jour, notre instituteur nous emmène voir la briqueterie locale. En émigré carolorégien habitué aux industries lourdes je fus fort étonné en arrivant sur les lieux de ne découvrir aucune construction, seulement quelques individus qui s'activaient au bout d'un champ.

En gros, les gaillards procédaient comme suit : ils tassaient dans des moules de l'argile extraite sur place. Ils démoulaient les briques crues et en constituaient des lits séparés par des claies. Ils arrêtaient de superposer les lits lorsqu'ils avaient obtenu un édifice qui, selon mon souvenir, devait faire une surface au sol de grosso modo six mètres sur trois et une hauteur d'environ deux mètres. Plusieurs de ces parallélépipèdes étaient alignés côte à côte. Il arrivait un temps où les briques du tas le plus ancien étaient sèches. C'est alors qu'ils le démontaient pour le reconstituer un peu plus loin en alternant couches de briques et de charbon.

Nous n'avons pas assisté à l'allumage ni à la cuisson (elle durait plusieurs jours). Lorsque nous sommes arrivés, ils étaient en train de trier leur dernière production. Il faut dire qu'avec cette méthode artisanale, la qualité était très irrégulière. Entre les briques fendues, tordues, friables, partiellement vitrifiées, le rendement n'était pas terrible.

Nous avons donc interrogé les ouvriers, puis nous sommes repartis non sans emporter, le cancre de service et quelques costauds aidant, quelques seaux d'argile.

Rentrés à l'école, le maître nous a déclaré : pour demain, vous apporterez une petite caisse ou boîte pas trop grande, nous allons fabriquer des briques.

Rentré chez moi, la puce à l'oreille, je demande à mon père : "Pourrais-tu me fabriquer une petite boîte sans couvercle de dimensions intérieures 6x4x2 cm ?"  "Un jeu d'enfant", me répondit-il et en quelques minutes, la chose était faite à partir d'une boîte à cigarillos.

Le lendemain à l'école, bingo ! Fallait calculer le volume de la boîte. J'ai eu fini le premier.

La suite fut moins drôle, nous avons rempli nos boîtes d'argile bien tassée, démoulé, nous avons pesé nos briques crues, déduit la densité de l'argile, constaté qu'elle n'était pas la même pour toutes les briques etc.

Après ça, nous avons mis à sécher nos briques dans la grande salle voisine de notre classe.

Nous les avions presque oubliées lorsqu'un jour l'instituteur nous annonça "Nos briques sont sèches, nous allons les cuire. Dans le poêle nous avons empilé papier, bois d'allumage, charbon, briques, charbon... et nous avons bouté le feu.

Le lendemain, nous avons extrait nos briques du poêle refroidi. Beaucoup, surtout les plus grosses, avaient éclaté. La mienne, la plus petite de toutes avait résisté. Nous avons repesé et remesuré celles qui étaient entières. Vous savez quoi ? Elles avaient rétréci ! J'ai dû passer au calcul écrit...

brique1


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