Dans un de ses récents commentaires, Papistache s'inquiétait de savoir si j'avais vidé la poule avant de la cuire. Cette question badine, associée au fait que, dans ce restaurant aux allures suisses que je mentionnais en fin de mon dernier billet, le Chef (chez moi, les Cons ont droit à la majuscule) se soit adressé à mon épouse en l'appelant "ma poule", m'a fait souvenir d'un épisode de mes aventures juvéniles.
Un jour, alors que j'étais chef d'équipe des aspirants dans mon clan, le chef de troupe des éclaireurs me demande de venir assurer l'intendance de son camp.
Cela se passait à Dourbes, dans l'entre Sambre et Meuse. Beaucoup plus près de la Meuse que de la Sambre d'ailleurs.
Le staff de troupe décide d'organiser un concours de cuisine. Il s'agissait pour chaque patrouille de réaliser un repas à partir d'une même série d'ingrédients. Parmi ceux-ci : une poule.
Un assistant et moi dégotons donc une ferme à Nismes et en ramenons chacun deux poules dans un carton solidement ficelé sur le porte-bagages de nos vélos.
Pour corser les histoires, les chefs décident de procéder comme suit : à une des pattes de chacune des poules, on attache une ficelle d'environ deux mètres avec à son extrémité une étiquette portant le nom d'une des patrouilles. À charge pour ces dernières de capturer leur poule et de la trucider.
Ils avaient sans doute imaginé je ne sais quel match poursuite à travers le terrain de camp, mais ils en ont été pour leurs frais. Au coup de sifflet, les poules disposées au centre du cercle formé par les éclaireurs, n'ont pas bronché d'une plume. Les gaillards se sont rués sur elles, se les sont échangées pour récupérer chacun la leur, au grand désespoir des chefs.
C'est alors que ça s'est corsé !
Personne ne voulait les tuer. C'est moi qui ai dû officier. Sur un camp scout, ce n'est pas le matériel qui manque : haches, billots, tout est à disposition. D'autre part, à l'époque, je ne m'étais pas encore, chère Teb, transformé en citadin. Chez moi, on élevait les lapins pour les boulotter, pas pour les regarder creuser, comme mon beau-fils.
D'autre part, une poule, c'est facile à tuer : vous la saisissez par les pattes, vous la posez sur le billot, elle tend le cou toute seule et... ce n'est que quand vous la lâchez qu'elle se met à courir, décapitée.
Tant qu'il s'est agi de plumer les bestioles, ça s'est encore bien passé. C'est quand il a fallu les vider que c'est devenu intéressant !
Il y en a qui les secouaient au-dessus de la fosse à déchets, sans même les ouvrir en espérant que ça se vide tout seul. Quand je leur ai eu (rôle d'intendant oblige) expliqué qu'il fallait leur ouvrir le ventre pour pouvoir le faire, j'ai assisté à une scène des plus intéressantes : un des éclaireurs tenait le cadavre à bout de bras en détournant la tête, tandis que l'autre, fourrageait de sa main droite dans la carcasse. À l'aveuglette, puisqu'il avait le bras droit derrière lui tandis qu'il se bouchait le nez de la main gauche, le corps complètement détourné de l'opération en cours.
C'est, bien évidemment moi qui ai dû m'assurer que tout avait été correctement nettoyé et rincé avant de donner le feu vert à la suite des opérations.
Je ne me rappelle plus du goût de la poule, par contre je sais que mon frère puîné avait voulu faire une sauce blanche mais avait oublié de la cuire, c'était légèrement farineux !