Mini musée
Dans l'unique classe de cette école avec laquelle je vous bassine depuis un petit temps, se trouvaient deux meubles extraordinaires : une grande armoire vitrée en pin teinté et verni et ... un coffre-fort !
Et quand je dis "coffre-fort", je ne parle pas d'un machin de chambre d'hôtel. Le cancre y entrait facilement. Même qu'un jour on avait refermé la porte sur lui et qu'il en était ressorti à moitié étouffé. Quelle bête ! (le coffre, pas le cancre) la porte et les parois faisaient au bas mot vingt centimètres d'épaisseur. Aujourd'hui encore, je ne parviens pas à imaginer à la suite de quelles circonstances il avait pu échouer là. Mais il y était, occupant un coin entre la fenêtre et le tableau de marbre noir poli. Sauf pour le coup du cancre, je ne l'ai jamais vu fermé, il servait de rangement pour un tas de matériel hétéroclite.
Assez pour cette pièce de mobilier incongrue. Venons-en à l'armoire vitrée. Seul le haut l'était. Le dessous était une sorte d'énorme buffet et contenait du matériel scolaire : livres, cahiers, encres, plumes, crayons, touches, ardoises, papier dessin, aquarelle, couteaux à casser (les ancêtres des "cutters") qui n'effrayaient alors personne. Rien que de très classique, en somme, sauf qu'il y en avait à profusion : les études étaient vraiment gratuites à l'époque pour ce niveau d'enseignement.
Mais c'est la partie vitrée qui était la plus étonnante : c'était une sorte de cabinet de curiosités. On y trouvait (liste non exhaustive)
- Une molaire d'éléphant (la Belgique disposait d'une énorme colonie africaine)
- Un tas d'outils de pierre taillée, percuteurs, grattoirs, pointes de flèches, haches et une hache en pierre polie d'un fini irréprochable (Spiennes et ses carrières de silex se trouvait à quelques kilomètres et il suffisait d'y suivre un agriculteur retournant les champs voisins pour y faire d'intéressantes découvertes)
- Une étonnante collection de fossiles divers et particulièrement l'empreinte, sur une plaque de schiste de plus de soixante centimètres de long, d'une fougère du carbonifère (rapportée du charbonnage local par le père d'un des élèves)
La collection allait s'enrichissant au fil des dépôts. Un jour, un innocent avait dégoté dans je ne sais quel grenier un livre de comptes d'un menuisier-charpentier de l'époque où les Autrichiens et les Français occupaient alternativement la région. Ça n'a pas raté, nous nous sommes plongés dans de merveilleux calculs d'équivalence grâce à ce maudit artisan qui avait pris un malin plaisir à noter le détail de ses gains et de ses dépenses. Comme si ça ne suffisait pas avec le système sexagésimal des degrés, minutes et secondes, nous avons eu droit au vicésimal des sols et au dodécimal des deniers...
Allez, à votre avis : combien de liards dans une livre tournois ? VDM, comme dit l'autre !