Le coup du lapin
Après la mort, à plus de vingt ans, de Spoutnik (le dernière petite chatte ayant vécu chez ma fille), une de mes petites-filles voulait avoir un chien. Raison pour laquelle son père lui acheta un couple de lapins-nains. Cela se passait en mai de l'an passé.
Mon épouse, devant l'attendrissement du père (insensible à la déception de sa fille), fait remarquer qu'un couple de lapins risque de se transformer rapidement en bataillon de lagomorphes.
Ce qui, soit dit en passant, me rappelle subitement ce film "Deux nigauds chez Vénus" avec Budd Abbott et Lou Costelo. Dans ce film, un des héros devient le prince consort de la reine de l'endroit (en l'occurrence la planète Mars), planète peuplée exclusivement de pin-up. Il demande discrètement si son rang ne lui donnerait pas droit à une garde du corps. Réponse de la reine : "Non, très cher, avec vous une garde du corps deviendrait vite un corps de garde !"
Revenons à nos lapins ! Questionné sur les raisons du choix d'un couple, l'intéressé déclare que c'est que pour les filles puissent voir "une fois" (il est pourtant breton, pas bruxellois) comment ça se passe. Pendant deux mois, il ne s'est rien passé du tout, question de maturité sexuelle, j'imagine.
Ça ne fait rien, après, ils se sont rattrapés ! Je peux vous garantir que les lapins n'ont pas usurpé leur réputation ! À raison de portées de six, environ toutes les six semaines, ça fait du peuple à grandes oreilles !
L'animalerie reprend les jeunes une fois qu'ils sont sevrés et peuvent se nourrir seuls. Ce qui arrange bien l'éleveur de lapins, mais chagrine à chaque fois les enfants qui doivent se séparer des bestioles au moment où celles-ci sont les plus sympathiques.
Au démarrage, le couple fut installé dans une construction en bois avec une première chambre-mangeoire et une seconde isolée, garnie de paille et accessible via un tube-galerie. Cette construction étant elle-même déposée dans un enclos grillagé et protégé par un toit en auvent.
Dès après la deuxième mise bas, les lapins se sont mis à creuser le sol. Mon épouse s'en inquiétant, notre beau-fils la rassura, il avait enterré un film d'étanchéité.
Dans le but de calmer la prolifération, l'éleveur décida de séparer le mâle. Il lui fabriqua sa propre maison qu'il sépara de l'initiale par un grillage. Deux jours plus tard, le mâle copulait joyeusement, il avait creusé un tunnel sous la grille.
Au bout d'un an, on a enfin fait castrer le mâle, et dès le lendemain du départ des filles pour la Bretagne, nous avons vu surgir du terrier les six membres de ce que nous espérons être la dernière portée.
Avant son départ, notre beau-fils a déposé sur le sol un plancher de chantier (il travaille dans le bâtiment) pour éviter que nous fassions s'effondrer les galeries. Depuis, chaque matin, ce plancher est couvert de quatre centimètres de terre que j'enlève à la pelle pour déterrer l'abreuvoir.
Je me demande jusqu'où ils vont creuser... si vous lisez dans le journal qu'un volcan a surgi en pleine agglomération bruxelloise, vous saurez la faute à qui !