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Entre nous
21 juillet 2010

Comme les choses sont compliquées !

En tranchant le pain ce matin, une image m'est revenue et j'ai pensé : "Voilà de quoi faire un billet, ça fait longtemps que je n'ai plus parlé de mon enfance".

Voyez-vous, pour découper le pain - un pain carré que mon épouse fabrique dans une de ces machines modernes qui laissent un trou à l'endroit de la pale de malaxage - je le pose sur une planche en polyéthylène haute densité et je le tranche au moyen d'un couteau scie.

Mon père, lui, tenait fermement contre sa poitrine un pain rond et le tranchait, ramenant tout en sciant la lame du couteau vers lui. Les pains de ma jeunesse avaient une fermeté dont sont dépourvus bien de ceux d'aujourd'hui.

Premier problème : comment expliquer à des mangeurs de baguette (que les Belges appellent "pain français", ce qui ne manque pas d'engendrer une franche hilarité lorsqu'ils veulent en acheter en France pour la première fois) ce qu'est le pain classique en Belgique ? Y a-t-il un nom pour ça en français ?

J'ai pensé à "miche" mais, comme bien souvent dans cette langue déroutante, le mot désigne à la fois le pain dont je veux parler (gros pain de mie rond) et une tranche du dit pain. Et je passe sur la signification argotique du mot ouvrant la porte à un tas d'allusions plus ou moins salaces. Bon, mettons qu'ils ont compris maintenant.

Deuxième problème : l'illustration. Il m'est revenu qu'à l'époque fleurissait dans les boulangeries de la région de Charleroi une affiche représentant une grand-mère portant coiffe et lunettes et tranchant de la même manière un énorme pain rond. Était-elle entourée d'enfants attendant la distribution des tartines ? Ma mémoire est incertaine sur ce point. Après une heure de recherche sur Google, j'ai abandonné l'idée de la retrouver.

Faudra que je me penche sur la question de la recherche d'images, il doit bien exister quelque-chose de plus efficace.

Mais revenons à mon père. Lorsqu'il entamait un nouveau pain ou une nouvelle miche, c'est comme il vous plaira, il traçait de la pointe de son couteau une croix sur le fond du pain.

Je crois vous l'avoir dit, ma prime jeunesse n'a pas baigné dans une ambiance particulièrement religieuse, cet étrange rituel ne laissait donc pas de m'inquiéter, m'étant absolument incompréhensible. J'y cherchais une signification pratique, soit qu'il vise à vérifier le fil de la lame ou à tester la fermeté de la croûte. L'un et/ou l'autre me semblant improbable(s) - beau problème d'accord, hein ? - j'y voyais une sorte de pratique magico-incantatoire.

Pour une fois, moi dont la curiosité insatiable m'avait fait surnommer "Monsieur Pourquoi", je ne me suis pas enquis de la raison du geste. C'est bien plus tard que j'en ai compris la signification et, par voie de conséquence, qu'il ne pouvait être chez mon père que l'héritage d'une pratique ancienne, une sorte de geste mécanique vidé de son contenu religieux.

C'est coriace, la tradition...

miche


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2 mars 2010

Un mec branché

La lecture d'un billet récent de Poupoune m'a fait souvenir d'une petite anecdote. À l'époque de l'événement, j'étais à l'école primaire tandis que mon frère attendait l'année scolaire suivante pour y entrer.

Ma mère a, semble-t-il, toujours eu des grossesses difficiles.

Un jour qu'elle était montée, durant sa troisième, se reposer dans sa chambre, laissant mon frère puîné seul au rez-de-chaussée, ce dernier se livra à une intéressante expérience.

S'étant emparé de deux aiguilles à tricoter en métal, il avait poussé une chaise contre le mur de la cuisine, l'avait escaladée pour atteindre une des prises électriques (les prises se trouvaient à hauteur d'homme à l'époque) et il avait introduit fermement les aiguilles dans les trous de la prise, se connectant ipso facto au réseau basse tension.

Si on dit "basse tension" par opposition aux réseaux haute tension généralement alimentés en dizaines de kilovolts, celui où mon frère s'était branché distribuait quand même du 220 volts alternatif .

Par bonheur (les disjoncteurs différentiels étaient inconnus à l'époque), il n'était pas resté collé aux aiguilles, la vigueur de la secousse l'ayant précipité à bas de la chaise.

Il avait déboulé dans la chambre de notre mère claquant des dents, parcouru de tremblements et émettant des sons aussi hachés qu'incompréhensibles.

Ma mère a fini par reconstituer la scène, aidée par les aiguilles aux sol, les gesticulations et les brûlures dans la paume des mains de mon frère. Lequel frère, une fois remis de la décharge, put confirmer verbalement les choses.

Sous le choc, mes parents (mon père était rentré appelé par ma mère) se demandaient ce qui avait bien pu passer par la tête de cet enfant pour qu'il se livre à une telle expérience.

Depuis, toute la famille a découvert le pourquoi de la chose : c'était une vocation, héréditaire de surcroît ! Mon frère est devenu électricien, comme son père.

Moi je me suis contenté d'une incursion de quelques années dans l'électrochimie.

electrocution


24 janvier 2010

Équinoxe, déjà ?

Un jour, il y a à peu près  dix ans, Geneviève m'appelle dans son bureau. Elle m'annonce qu'en raison de la mutation d'une collègue, elle a décidé d'ajouter le laboratoire de microscopie optique à mon secteur d'activités.

- Excellente nouvelle Chef bien-aimé, grâce au microscope, je vais enfin pouvoir voir mes augmentations !

Comme elle ne se laisse pas désarçonner aussi facilement, elle me répond "Tu ne vas quand-même pas te plaindre de ton salaire ?" ( omettant d'ajouter mais je l'entendais penser  : "surtout pour le boulot que tu abats...")

Le lendemain matin, j'entre dans son bureau et dépose un Équinoxe devant elle (l'équinoxe, c'est une petite pâtisserie individuelle consistant en un hémisphère d'environ six centimètres de diamètre de mousse au chocolat napée de chocolat fondant et posé sur une fine galette de riz soufflé).
- Merci,  c'est en quel honneur ?
- C'est pour me faire pardonner mon excédent de salaire, je t'en apporterai un au début de chaque mois.

J'ai tenu parole jusqu'à ma retraite. Sauf que ma liste de distribution s'est rapidement étoffée, s'étendant à mon personnel, mes collègues, quelques dames du secrétariat etc. Si bien qu'à la fin de ma carrière, je fournissais chaque mois vingt-cinq petits gâteaux.

Quelques mois après cette scène, le nouvel-an s'annonce. J'enquête dans mes labos : "ça vous dirait un bout de foie gras au lieu du gâteau de janvier ?" J'obtiens un oui franc et massif à faire pâlir De Gaule de jalousie et déclare "Je vais négocier".

- Chef, j'avais pensé remplacer le gâteau de janvier par du foie gras, qu'en penses-tu ?
- Que du bien, Walrus !
- Évidemment, s'il n'y avait pas cette interdiction de consommation de boissons alcoolisées, je l'aurais bien accompagné d'une larme de Sauternes...
- Occupe-toi du Sauternes, je me charge de l'autorisation !
- Amen, Chef !

Et chaque mois de janvier je servais à  mes amis du foie gras de canard mi-cuit accompagné de toasts de cramique et de confiture de chicons (endives pour les Français) amoureusement cuisinée par moi  et, par la grâce du Chef, arrosé de Sauternes. Le plus drôle, c'était de voir la tête des mecs qui s'inquiétaient dans le couloir de la provenance de cette odeur de cramique toasté.

Pour conserver le mouvement, et en souvenir de cette époque bénie, depuis ma retraite nous invitons chez nous en janvier quelques uns de mes anciens collègues. La semaine dernière,  le jeudi midi, il y avait Jacqueline, Greta et (la grande) Catherine (quand elle s'est penchée pour m'embrasser, je ne me rappelais pas qu'elle était si grande). Au menu : Champagne, foie gras, Sauternes, magret de canard aux légumes tournés glacés, Cahors, Équinoxe...

Comme elles ne s'étaient pas vues récemment (l'une avait été mutée et l'autre avait démissionné pour élever ses enfants et seconder son mari dans son travail), elles ont passé leur après-midi à se raconter leurs vies. C'était vraiment agréable de les voir et entendre se parler, comme au temps où nous formions un groupe uni dans nos laboratoires.

Allez, plus qu'un an à attendre !

Quoique...

bombe


19 janvier 2010

Mêêêêh non !

irishÀ l'occasion des fêtes de fin d'année, ma fille m'a offert un pull. C'est un truc irlandais en laine vierge,  genre  "en direct du mouton au consommateur" (avec néanmoins quelques intermédiaires discrets).

Comme elle a passé la semaine de Noël chez ses beaux-parents avec sa petite famille, je la soupçonne de l'avoir acheté dans un magasin de la rue Ernest Renan à Tréguier (Côtes d'Armor).

C'est marrant cette grande internationale celte (ou pseudo telle) qui fait qu'au cœur de la Bretagne vous trouvez un magasin qui vend essentiellement des produits irlandais. Il s'appelle d'ailleurs "Courant d'Eire".

Les prix y pratiqués me font souvenir d'un gag fameux d'Achille Talon où ce dernier déclare à un commerçant "J'achète avec enthousiasme !" et s'entend répondre "Et moi, je vends sans ristourne...".

Picture_5Mais revenons à nos moutons. Chaque fois que je passe ce vêtement, j'y plonge forcément la tête et là, cette chaleur immédiate et cette odeur de suint me renvoient à ma jeunesse et me ramènent à cette petite école dont je vous ai parlé à maintes reprises.

Une des nombreuses promenades que nous avons effectuées en compagnie de l'instituteur avait pour but la bergerie locale. Elle se situait tout en haut de la côte sur le côté gauche de la route qui menait (et mène toujours d'ailleurs) au Rœulx, à peu près là où passe aujourd'hui l'autoroute Paris-Bruxelles.

C'était une bâtisse tout en bois, assez grande et plutôt basse, comme tapie au sol. Le troupeau s'y trouvait rassemblé et le berger nous attendait.

Nous avons eu droit à quelques histoires dont une tournant autour d'une opération que le berger aurait pratiquée lui même et dont je ne me rappelle plus la nature mais dont je revois encore la cicatrice sur le ventre de l'animal (la brebis, pas le berger).

ciseauxC'était le printemps, l'époque de la tonte, et nous avons assisté à une démonstration. Quelle dextérité ! Pourtant, les ciseaux de l'époque étaient assez rudimentaires et il fallait de la poigne pour comprimer le ressort. Les plus hardis et les plus costauds d'entre-nous ont même eu droit à une tentative. Inutile de dire que c'est le berger qui immobilisait l'animal tandis que mes copains s'escrimaient de manière très peu convaincante.

Après quelques considérations sur le traitement de la laine brute, nous avons quitté la bergerie. De l'autre côté de la route nous avons jeté un œil aux ruines d'un très ancien charbonnage avec cheminée d'aération en briques dont on remontait la houille dans des mannes en osier nous a dit le maître. Il s'appelait, si ma mémoire est fidèle, le charbonnage de la Brûlotte.   Je pensais qu'il ferait l'objet d'une nouvelle promenade, mais il n'en a rien été. Trop dangereux sans doute. Quand j'y passe aujourd'hui, je cherche en vain la cheminée. Mon pays n'est pas très soucieux de son patrimoine pré-industriel.

Dans la revue 1905 de la société belge de numismatique, il est fait mention de l'endroit :

... [La concession de Thieu, Ville-sur-Haine, Gottignies avait déjà des sièges d'extraction au XVme siècle, d'après ce que rapporte M. J. Monoyer dans son mémoire de 1873, sur l'origine et le développement de l'industrie houillère dans le Bassin du Centre.]
...[Les travaux à Thieu, lieu dit la Brulotte, ont été interrompus en 1842, et, par arrêté royal de 1870, la concession a été réunie à celle de Strépy Bracquegnies, sous la dénomination de Strépy-et-Thieu.]

Et pourquoi diable une revue de numismatique s'intéressait-elle donc aux charbonnages, me demanderez-vous ? Parce que ceux-ci produisaient des jetons et méreaux, destinés entr'autres au contrôle des présences. Contents ?


24 décembre 2009

Vous le savez, bien sûr...

Que Tilu a un blog où elle nous régale de ses photographies.

Et vous savez, bien entendu, qu'elle a, comme tout le monde (ou presque), un anniversaire.

Et que cet anniversaire, c'est samedi, jour du défi, vous le savez aussi.

Je le savais ! (que vous le saviez, mais je vous le rappelle quand même)


Bon anniversaire Tilu !


L'autre jour, sur ce fameux blog, elle nous offrait une photo très réussie d'une centrale thermique sous la neige.

Cela m'a rappelé que j'ai vécu une quinzaine d'années dans un lieu similaire.

Depuis, la centrale a été démantelée, mais mes parents y vivaient encore au début des travaux, si bien que j'avais pu prendre quelques dias des éléments d'une des tours de réfrigération en cours de démontage.

Je les ai retrouvées (ça n'a pas été de la tarte,  elles étaient dans l'avant-dernier  des soixante-dix-huit charriots que j'ai fouillés, perché sur mon escabelle. Pourquoi commence-t-on toujours par le mauvais bout ?). Je les ai scannées et comme elles ont plus de quarante ans, vous voudrez bien pardonner leur mauvaise qualité.

Tilu_0006
Armature béton de la tour

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Tuyauteries d'amenée de l'eau chaude
(en arrière plan, une tour intacte)

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Autre vue intérieure de la tour

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Planches du garnissage de ruissellement à claire-voie

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Piètement béton du garnissage

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La centrale elle-même (dont il ne reste pas une brique)


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6 août 2009

Les Keis

L'autre jour, la voisine d'en haut à gauche (une noire assez mignonne, mais moins que la demoiselle qui vient garder ses gosses lorsqu'elle travaille) vient sonner à notre porte. Elle souhaitait nous emprunter du lait parce que ses petites filles refusent de dormir sans en boire , qu'elle était à court et que les magasins étaient déjà fermés. Elle a promis de nous en rendre une autre bouteille.

Sans doute exactement, dis-je à mon épouse, comme ces Hollandais qui, sur les campings et sous prétexte qu'ils se déplacent à vélo en transportant tout leur barda, vous empruntent du sucre, de la farine, du riz, des œufs, du lait, mais sans jamais parler de vous les rendre, où iraient-ils les chercher ? Ils sont là juste pour la nuit...

Et c'est là que m'est revenue cette histoire hollandaise (en Belgique,  nos voisins du nord sont réputés plus près de leurs sous encore que les Ecossais, c'est vous dire).

Il y a bien des années, nous campions dans la région de Saint-Vith, dans la partie germanophone de notre beau pays. Nous nous trouvions un soir devant notre tente lorsque débarque un peloton de Bataves. Ils installent leur campement, enchaînent leurs vélos, puis l'un d'eux se met à faire des crêpes sur un minuscule réchaud camping-gaz.

Je me dis qu'au train où ça progresse, il en a pour la nuit à nourrir le groupe. J'empoigne donc mon réchaud à deux becs, deux poêles et propose au cuistot de tripler sa cadence grâce à ce matériel supplémentaire. Il accepte et je retourne à mon poste d'observation.

Et là, j'ai vu qu'il n'était pas un Hollandais pour rien ! Non parce qu'il ne nous a même pas proposé une de ses crêpes, mais parce qu'il a continué à cuire sur mon réchaud après avoir rangé le sien pour économiser son gaz !

kaas

Pour la satisfaction de Val j'ai autorisé le clic magique, ce qui vous permettra peut-être de constater que la devise des Pays-Bas est rédigée en... français : "Je maintiendrai"


23 juillet 2009

Fête nationale

Mardi, 21 juillet, c'était la fête nationale de mon pays déliquescent.

Mon épouse ne raterait pour (presque) rien au monde la retransmission du traditionnel défilé composite (militaro-civil) organisé à cette occasion. Ne fut-ce que pour s'assurer que ce dernier est bien arrosé par la "drache" nationale. Soyez rassurés, ça n'a pas raté, il a plu malgré le soleil prédit par la météo, l'honneur national est sauf !

Dans le brouhaha des commentaires, ô combien intéressants, une phrase attire mon attention : le premier régiment d'artillerie est engagé en Afghanistan !

Ben, merde ! Quand j'en faisais partie, on n'est jamais allés plus loin que Kassel (forcément, plus loin, c'était la bonne vieille RDA et le bloc de l'est : l'Ennemi de nos jeux guerriers de l'époque.

À ce propos, je me rappelle qu'un beau jour de l'année 1964, je participais, avec le bureau de tir, à des manœuvres d'état-major. Ces innocents trouvaient toujours utile d'emmener, à défaut des obusiers, les bureaux dans leurs déplacements.

Nous nous collons donc avec notre half-track sous un pommier au sommet d'une ondulation de terrain, question d'améliorer nos communications radio.

Au bout de quelques heures, le patron (un colonel BEM) se pointe dans sa jeep et se met à engueuler notre lieutenant : "Mais vous êtes fou, on vous voit à des kilomètres ! Trouvez un endroit plus discret !" Et il détale comme un lapin (cette image pour faire plaisir à Papistache).

Nous, nous dégottons une grange, dans une cour de ferme, et avec l'accord du fermier local nous nous y tapissons.

De réception radio, point. Le téléphone de campagne ? Illusoire, on n'avait jamais vu tirer de ligne de plus de cent mètres sans rupture d'au moins un des fils.

Trois jours ils ont mis à nous retrouver après la fin des manœuvres ! Nous n'allions même pas au ravitaillement, nous étions dans une ferme !

Comment ils ont fait ? Ben finalement, il y en  a un qui a pensé à remonter les fils du téléphone. C'est la première fois qu'ils servaient à quelque-chose !

armee001

Zut, j'ai pas retrouvé celle avec le casque !
Ah, oui, moi, c'est celui avec béret ;-)


13 juillet 2009

Collègues

Hier, le Papistache me demandait comment j'étais considéré par mes anciens collaborateurs.

J'ai retrouvé un collage que ceux de 1989 avaient déposé sur mon bureau à l'occasion de la nouvelle année. L'arrière était pourvu d'un pied permettant de le faire tenir debout.

Vous me reconnaîtrez sans doute difficilement, il me restait quelques rares cheveux à l'époque et je n'étais pas encore bourré de cortisone.

Je vous invite, comme Papistache, à tirer les conclusions que vous inspire cet immortel chef d'œuvre... et à me les transmettre en commentaire.

Amusez-vous bien !


1989


12 juillet 2009

Oscar

Rappel à l'ordre de Valérie. Cette môme est une esclavagiste. Elle me fait penser à un roman que j'ai lu à l'armée, en Allemagne, il y a longtemps, une nuit de garde dans un dépôt de munitions. "La Maîtresse de Fer" ça s'appelait, dur dur pour un paresseux !

Allons-y...

J'ai fait mes études terminales dans l'enseignement de la Province de Hainaut. La question du recrutement des professeurs de ces établissements m'a toujours taraudé. Une longue pratique (j'ai même doublé une classe pour approfondir la question) m'a fait conclure que pour accéder à ces postes il fallait, outre appartenir au parti socialiste au moins sur le papier, avoir un côté résolument folklorique. Le corps professoral étant pour le moins "coloré".

Un de ces braves enseignants m'a beaucoup marqué. Il s'appelait Dutronc et se prénommait Oscar. Mes copains de l'école normale de Mons, où il enseignait les mathématiques, lui avaient d'ailleurs décerné l'Oscar de la meilleure interprétation géométrique.

Chez nous, les chimistes, il enseignait, au fil des niveaux, la physique, la physico-chimie et la thermodynamique. Je faisais son désespoir car je ne semblais pas me passionner pour les matières qu'il enseignait alors qu'il avait cru déceler chez moi un soupçon d'intelligence.

En quoi était-il folklorique ?

Il avait un physique (sans jeu de mots) à mi-chemin entre Tournesol et Einstein, roulait ses cigarettes d'une seule main sur le plat de sa cuisse, avait des ongles de plus d'un centimètre jaunis par l'abus de tabac et, cerise sur le gâteau, parsemait son cours d'expressions en patois local. C'est l'unique professeur avec qui j'aie correspondu après mes études.

C'était un excellent pédagogue, même lorsqu'il tournait les pages de son propre cours en déclarant : "Littérature, je passe !", pages que vous n'aviez pas, vous, à passer, il va sans dire.

Il arrêtait parfois le débit régulier de son exposé pour prendre un air sentencieux et lâcher une déclaration étonnante. Ainsi lors de son cours sur l'effet des parois froides, martelait-il soudainement "Les marmites à pression périssent par le joint !" Non, il n'en fumait pas ! Qu'allez-vous donc imaginer ?

Dans son domaine et en maths particulièrement, c'était un génie. Ce n'est pas pour rien qu'il ressemblait à Einstein.

À ses débuts, il avait travaillé pour le chanoine Lemaître, celui qui a imaginé la théorie du Big Bang. Il réalisait pour lui des calculs astronomiques, à la main, à l'époque les ordinateurs n'existaient pas. Il l'a quitté, excédé par la manie qu'avait son patron d'interrompre les séances de math pour jouer du piano, manque total de sérieux !

Dans l'enseignement, il s'était fait bloquer dans sa carrière suite à la merveilleuse prestation suivante :

À la fin de la démonstration d'un théorème qu'il effectuait pour ses élèves, l'inspecteur qui suivait la chose quitte le fond de la classe, monte sur l'estrade, s'empare de la craie, efface les deux dernières lignes et les remplace par une seule, soulignant l'élégance de ce raccourci.

Oscar lui ravit la craie, efface le tableau et , à la vitesse de l'éclair, réécrit une démonstration plus courte encore, déclarant : "ça, c'est la méthode de De la Vallée Poussin".

Il efface derechef, en écrit une autre de trois lignes s'écriant "Et ça, c'est celle de Dutronc, singulièrement élégante et rapide. Dommage que les élèves ne la comprennent pas!"

Ils manquent cruellement aujourd'hui, les mecs comme Oscar !

einstein


5 juillet 2009

Grosse paresse

"À propos Walrus, j'aimerais bien connaître la plus précieuse de vos inventions (à vos yeux, bien sûr)".

Voilà ce que répondait Papistache à un commentaire que j'avais laissé sur son blog. Lequel commentaire disait : "Vous avez parfaitement raison : la paresse rend ingénieux. C'est elle qui, bien plus que tout le reste, fait progresser l'humanité."

Je dois bien avouer, en réponse à sa question, que je n'ai pas inventé grand-chose. Sans doute ne suis-je pas encore tout à fait assez paresseux. Une anecdote m'est néanmoins revenue en mémoire.

Lorsque mon épouse et moi-même avons convolé, nous n'avions pas encore, malgré cinq ans de fiançailles (et le fait que nous nous connaissions depuis toujours), réglé le délicat problème du "qui fait quoi" lors de la vaisselle. Je précise qu'à l'époque, les lave-vaisselle étaient rares et  absolument hors de prix. Et le fait de n'être que deux (ça n'a pas duré longtemps, seule l'irruption de la pilule contraceptive nous a sauvés de la famille nombreuse) ne prêchait pas en faveur d'un tel achat.

Il va sans dire que nous lorgnions tous deux le même rôle, celui de laver plutôt que d'essuyer. Nous avons donc fini par tirer au sort nos rôles respectifs. J'ai perdu.

Nous disposions à l'époque d'un évier double muni d'un plan incliné d'égouttage. J'ai donc acheté un égouttoir, si bien que mon épouse sortait la vaisselle du bac de rinçage rempli d'eau très chaude et la déposait sur l'égouttoir. Il ne me restait à essuyer que les grosses pièces, casseroles, plats et poêles.

C'est pas de la créativité ça ?

_gouttoir


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