Mêêêêh non !
À l'occasion des fêtes de fin d'année, ma fille m'a offert un pull. C'est un truc irlandais en laine vierge, genre "en direct du mouton au consommateur" (avec néanmoins quelques intermédiaires discrets).
Comme elle a passé la semaine de Noël chez ses beaux-parents avec sa petite famille, je la soupçonne de l'avoir acheté dans un magasin de la rue Ernest Renan à Tréguier (Côtes d'Armor).
C'est marrant cette grande internationale celte (ou pseudo telle) qui fait qu'au cœur de la Bretagne vous trouvez un magasin qui vend essentiellement des produits irlandais. Il s'appelle d'ailleurs "Courant d'Eire".
Les prix y pratiqués me font souvenir d'un gag fameux d'Achille Talon où ce dernier déclare à un commerçant "J'achète avec enthousiasme !" et s'entend répondre "Et moi, je vends sans ristourne...".
Mais revenons à nos moutons. Chaque fois que je passe ce vêtement, j'y plonge forcément la tête et là, cette chaleur immédiate et cette odeur de suint me renvoient à ma jeunesse et me ramènent à cette petite école dont je vous ai parlé à maintes reprises.
Une des nombreuses promenades que nous avons effectuées en compagnie de l'instituteur avait pour but la bergerie locale. Elle se situait tout en haut de la côte sur le côté gauche de la route qui menait (et mène toujours d'ailleurs) au Rœulx, à peu près là où passe aujourd'hui l'autoroute Paris-Bruxelles.
C'était une bâtisse tout en bois, assez grande et plutôt basse, comme tapie au sol. Le troupeau s'y trouvait rassemblé et le berger nous attendait.
Nous avons eu droit à quelques histoires dont une tournant autour d'une opération que le berger aurait pratiquée lui même et dont je ne me rappelle plus la nature mais dont je revois encore la cicatrice sur le ventre de l'animal (la brebis, pas le berger).
C'était le printemps, l'époque de la tonte, et nous avons assisté à une démonstration. Quelle dextérité ! Pourtant, les ciseaux de l'époque étaient assez rudimentaires et il fallait de la poigne pour comprimer le ressort. Les plus hardis et les plus costauds d'entre-nous ont même eu droit à une tentative. Inutile de dire que c'est le berger qui immobilisait l'animal tandis que mes copains s'escrimaient de manière très peu convaincante.
Après quelques considérations sur le traitement de la laine brute, nous avons quitté la bergerie. De l'autre côté de la route nous avons jeté un œil aux ruines d'un très ancien charbonnage avec cheminée d'aération en briques dont on remontait la houille dans des mannes en osier nous a dit le maître. Il s'appelait, si ma mémoire est fidèle, le charbonnage de la Brûlotte. Je pensais qu'il ferait l'objet d'une nouvelle promenade, mais il n'en a rien été. Trop dangereux sans doute. Quand j'y passe aujourd'hui, je cherche en vain la cheminée. Mon pays n'est pas très soucieux de son patrimoine pré-industriel.
Dans la revue 1905 de la société belge de numismatique, il est fait mention de l'endroit :
... [La concession de Thieu, Ville-sur-Haine, Gottignies avait déjà des sièges d'extraction au XVme siècle, d'après ce que rapporte M. J. Monoyer dans son mémoire de 1873, sur l'origine et le développement de l'industrie houillère dans le Bassin du Centre.]
...[Les travaux à Thieu, lieu dit la Brulotte, ont été interrompus en 1842, et, par arrêté royal de 1870, la concession a été réunie à celle de Strépy Bracquegnies, sous la dénomination de Strépy-et-Thieu.]
Et pourquoi diable une revue de numismatique s'intéressait-elle donc aux charbonnages, me demanderez-vous ? Parce que ceux-ci produisaient des jetons et méreaux, destinés entr'autres au contrôle des présences. Contents ?