Des goûts et des couleurs
Ce matin, 8h30, on sonne à la porte palière de l'appartement. Concert immédiat d'aboiements du chien, lesquels aboiements redoublent lorsque j'ouvre la porte et que la bestiole constate qu'il s'agit d'un noir baraqué qui sourit de toutes ses dents. (Vous remarquerez que j'ai abandonné le langage de mon enfance qui m'aurait fait constater "Tiens, un nègre !").
Il dissimule presque complètement les deux comparses qui l'accompagnent. C'est l'équipe chargée de purger les radiateurs suite au remplacement de la chaudière de l'immeuble. Nous l'avons attendue toute la journée d'hier, conformément à l'avis affiché par le syndic.
J'enferme le chien dans les toilettes et les mecs se dispersent dans l'appart à la recherche des robinets purgeurs. C'est de justesse que j'en empêche un de pénétrer dans la salle de bain en l'assurant que je procéderai moi-même à la purge du radiateur qui partage pour l'heure l'endroit avec mon épouse.
L'irruption de ce malabar me fait souvenir que le weekend dernier c'était la ducasse d'Ath et qu'à cette occasion un problème extrêmement grave de racisme anti-noir s'était à nouveau fait jour, après ceux de Tintin au Congo, des Zwarte Piets (pères fouettards) et des Noirauds (société philanthropique).
Le cortège du carnaval d'Ath comporte un char (la barque des pêcheurs napolitains (on peut se moquer des Napolitains ?)) où se trouve un personnage grimé en noir appelé "Le Sauvage". L'association "Bruxelles Panthères" dirigée par un certain Mouhad Neghif s'oppose à cette représentation aux relents colonialistes et s'en plaint jusqu'à l'Unesco.
Sauf que le fameux Sauvage était déjà présent dans le cortège avant que la Belgique ait la moindre colonie et que dans le scénario du défilé il est censé avoir été récupéré sur l'île de Gavatao (une île imaginaire bien sûr).
La ville d'Ath dit comprendre que cette représentation puisse en blesser certains et se dit prête à la faire évoluer. Comme les Noirauds ont décidé de se grimer aux couleurs belges plutôt de tout en noir, ça aide.
Je trouve personnellement que cette volonté de blanchir les noirs à tout prix est contre-productive, mais bon, c'est mon opinion.
Faudra-t-il bientôt changer le titre d'Orfeu Negro, remplacer la couleur "tête de nègre" par "bantou", englober le Negro spiritual dans le gospel (deux disciplines pourtant bien distinctes) ?
Feraient mieux de s'occuper du sort des noirs aux Uesses et de la montée des nationalismes partout en Europe plutôt que des facéties folklorhydriques belgo-belges.