L'attente
Dans un commentaire, un poil (Papistache m'obnubile) avant le 18 avril, Val s'inquiétait de la façon dont je pouvais combler ces temps d'attente immanquablement générés par mon obsession d'être à l'heure. Comme elle m'a aussi dit "Racontez !" Je raconte...
D'abord, je ne m'ennuie jamais, puisque je m'emmène partout et que je suis de bonne compagnie. Est-ce suffisant ? D'accord, ça puerait même la suffisance, mais on ne se refait pas, n'est-ce pas...
De plus, dans le cas précis qui avait amené son commentaire, il y a une petite chose que j'ai omis de signaler : juste en face de l'école de ma petite-fille, il y a un hangar occupé par une entreprise : la "**car Shipping Agency". Et là, quand je ne m'acharne pas à parler Portugais avec des Russes, il y a de quoi m'occuper.
Selon les jours, il se trouve dans ce hangar entre cinq et dix gaillards, tous armés de GSM. Cette pointe avancée d'Afrique noire si elle ne bénéficie que du climat belge, s'anime néanmoins avec la nonchalance subtropicale (puisqu'il semble que les Tropiques, eux, soient réputés fiévreux). Pour quelques uns qui oeuvrent à des travaux obscurs sur des véhicules pourris, il y en a toujours deux ou trois qui contemplent la scène depuis le trottoir opposé, assis sur un banc abrité par un saule débordant de la cour de l'école. L'équipe de secours sans doute.
Pendant quelques jours, l'actvité est plutôt légère. Des voitures ou des utilitaires arrivent, pour la majorité je devrais dire "épaves", que l'on échange contre quelques billets. De temps à autre une camionnette ou une grosse voiture entre dans le hangar et décharge son contenu : tapis, matelas, oreillers, coussins, couvertures, cartons de circuits électroniques, écrans, TV, etc... Rassurez-vous, le trafic n'est pas à sens unique. J'ai aussi vu une camionnette roumaine charger un lot de batteries usagées après échange des traditionnels biftons.
Et puis, un beau jour, soudainement, tout s'anime ! C'est l'exode. Une partie des véhicules accumulés (les critères de sélection me restent impénétrables) sort progressivement. Ils sont tous bourrés jusqu'au toit de ces marchandises déposées les jours précédents, munis de plaques de garage déposées derrière le pare-brise ou suspendues par des aimants à l'arrière de la carrosserie et garnis d'affichettes portant, outre un numéro de quai, des noms de destinations exotiques : Bamako, Douna, Douala.
Je suppose que l'embarquement se fait à Anvers et que le transport intermédiaire s'effectue par camion. Comme la rue assez étroite serait vraiment trop encombrée par un de ces mastodontes, il attend les véhicules sur le boulevard voisin. Le transit vaut la peine d'être vu ! Les voitures qui roulent encore y vont par leurs propres moyens, généralement entourées d'un nuage de fumées d'huile camouflant l'absence des divers éléments lumineux normalement exigés sur un véhicule en circulation. Les plus vaillants sont équipés de barre de traction ou de câble pour traîner les "sur les genoux". Pour les cas désespérés, un vieux 4x4 Mitsubishi équipé à l'avant d'un matelas de vieux pneus sert de pousseur.
Les fumées se dissipent, le calme revient, on rapatrie les plaques de garage et nous voici repartis pour un tour ! Comment, chère Val, voulez-vous que je m'ennuie ?
Détail supplémentaire : je n'ai pas de photos, parce que je crains que tout décontractés qu'ils puissent paraître, ces sombres et industrieux personnages risqueraient bien de se montrer susceptibles.