Au vert
Ma femme et moi nous sommes épousés sans contrat de mariage.
Enfin, sans autre contrat que celui par défaut (comme on dit en informatique) c'est-à-dire le régime de la communauté légale de l'époque, soit la communauté totale : tout ce qui est à moi est à toi et réciproquement. Comme à cette époque également, c'était encore le mari qui décidait du lieu du domicile et que la femme avait encore besoin de son autorisation pour ouvrir ne fut-ce qu'un compte en banque, c'était plutôt, vu de ma position, du style tout ce qui est à toi est à moi et tout ce qui est à moi est à moi (l)également.
Depuis, ça a changé : chacun peut faire ce qu'il veut et la responsabilité reste collective.
Tout ça pour vous dire que comme ma femme a un chien, ce chien est également le mien (me demande si quand on divorce on le coupe en deux... Parce que ça, ce serait un bon plan). Donc, comme ce chien est à moi, c'est moi qui suis chargé de l'emmener courir au parc des Trois Fontaines (en réalité, faudrait le dire en néerlandais puisque s'il se trouve à deux pas de chez moi, il se trouve aussi en région flamande).
Ce matin, je me suis donc exécuté et suis allé me rafraîchir les pieds dans la rosée matutinale (comme dit le Papistache).
Y en a qui disent que la marche vous vide l'esprit. Je me demande ce qui peut bien leur faire dire ça, parce que moi, dans ma petite tête, ça carbure ferme !
La première chose, ce fut ce rayon de soleil qui emplit soudain mon dos de sa chaleur bienfaisante et me fit revenir en mémoire ces petits matins de juillet où après le lever et la toilette, en colonie de vacances à Petite-Chapelle, je me précipitais dans la pelouse servant au rassemblement et au lever des couleurs (le machin était géré par un staff scout) pour m'installer dans un creux du terrain et exposer au soleil montant le dos de ma carcasse rachitique en attendant le petit-déjeuner.
La deuxième, ce fut cette plantule surmontée d'une petite fleur bleue et j'ai pensé "cardamine des prés" et, par association directe, à mon collègue François Verhoeven, que nous appelions "Verschtroumpf" et qui possédait un herbier de plusieurs centaines de plantes locales. François, décédé dans la cinquantaine d'un cancer du cerveau. François et le petit groupe d'amis que nous avions formé entre cinq membres du labo d'électrochimie, leurs épouses et leurs enfants. Une fois par an, nous allions tous ensemble au resto, en hiver nous organisions des soupers chez ceux qui vivaient en appartement, en été des barbecues chez ceux qui vivaient à la campagne. Une fois nous avons même organisé un week-end en chalet au milieu de la forêt de Mirwart.
La suivante, ce furent ces centaines d'inflorescences vert-jaune jonchant le sentier, là, j'ai eu comme un doute, était-ce normal ? Etait-ce comme ça du temps où je courais les bois, où je reconnaissais les essences au premier coup d'oeil ? J'ai presque tout oublié... à quoi ça peut bien me servir aujourd'hui de savoir que le frêne (sec) brûle sans presque faire de fumée et donne les meilleures braises, hein ? Remarquez que quand j'ai cuisiné en brûlant dans le petit poêle de la maisonnette perchée sur la colline de la Haute Folie, des débris de chêne de la charpente du dix-septième siècle de l'abbaye de Saint-Denis en Brocqueroie, ça chauffait mieux que l'anthracite... de ça au moins, je suis sûr !
Bon, ne nous appesantissons pas, mais franchement, pour se vider l'esprit, vaut mieux regarder une série américaine à la télé que se promener dans le parc des Trois Fontaines Domein De Drie Fonteinen.