René
Quand je suis rentré du service militaire en janvier 65, ils m'ont collé dans les labos d'Arthur. C'est là que j'ai rencontré René.
Cinquante-huit ans donc que nous nous connaissions, cinquante-huit ans qu'il nous prédisait sa mort prochaine. Il vient juste de finir par avoir raison.
Nous avons travaillé ensemble. Nous avons joué au foot, au tennis, à la pétanque, au whist ensemble. Nous sommes sortis ensemble. Nous avons pris une grosse vingtaine de fois des vacances ensemble. Nous avons habité ensemble, dans le même immeuble. Nous étions de nos grands événements familiaux réciproques. Nous avons même eu quelques accidents de voiture ensemble (mais chacun dans la nôtre) c'est dire si nous étions proches.
En cinquante-huit ans, nous ne nous sommes pas disputés une seule fois.
Il faut dire que nous étions fait pour nous entendre : nous étions deux ours mal léchés. Côté physique, disons que nous nous complétions : lui un malabar, arrière infranchissable au foot, moi un petit véloce sur l'aile dans le même sport.
En dehors du règlement de détails pratiques, nous ne nous parlions guère : nous n'en avions pas besoin : nous savions. Nous savions qu'une indéfectible amitié nous liait, qu'au moindre couac, l'autre serait là. Et ça s'est toujours vérifié.
Ça va être bizarre la vie sans lui (donc sans "nous").
Mes petites-filles et leur "Voleur de chapeaux"