Questions
C'est le jardin de l'Adrienne qui a tout déclenché !
Il s'agit de mon père :
Quand j'étais enfant, je trouvais tout naturel de le voir faire un tas de choses différentes dont le jardin.
Mais aujourd'hui, je me pose des questions. Comment cet enfant anversois émigré en Wallonie a-t-il appris tout ça ? En effet, il était électricien, mais ça ne l'empêchait pas de :
- savoir construire dans la buanderie un foyer à bois en maçonnerie réfractaire pour chauffer l'eau de la lessive
- construire en tôle un système de foyer, toujours à bois, sur pied supportant un réservoir cylindrique avec porte muni d'une manivelle pour torréfier le café vert
- ressemeler les chaussures
- réparer les vélos
- fabriquer de la colle maison pour l'illustration de mes cahiers
- cultiver un grand jardin
- tailler et greffer rosiers et fruitiers
- élever, tuer, nettoyer, dépiauter (et manger) les lapins
- soigner mes "doigts blancs" en les enrobant de la couche interne d'une feuille de poireau
- calmer les douleurs musculaires avec du millepertuis (qu'il appelait "troustrous")
- arbitrer des matches de balle-pelote
- retenir au whist la composition de toutes les levées passées sur la table
- préparer du pain avec un levain qu'il nourrissait lui-même
- construire des appentis et des clapiers solides et pas de guingois
- et tous ces trucs du genre peindre, tapisser, plâtrer, carreler etc
Après tout, cela n'avait peut-être rien d'extraordinaire : simple question d'époque et de milieu sans doute...
Mon Vieux
L'autre jour (le temps passe si vite que j'ai déjà oublié le jour exact, mais pas les circonstances : c'était sur le viaduc de Vilvoorde en me rendant chez Makro), l'autre jour, donc, un animateur de la RTBF interviewait Daniel Guichard et, immanquablement, nous avons eu droit à cette émouvante chanson.
Laquelle chanson m'a fait souvenir de mon propre père que, sauf dans le titre de ce billet et contrairement au chanteur pour le sien, je n'ai jamais appelé "mon vieux". Je crois d'ailleurs que l'expression était peu usitée en Belgique francophone à l'époque de la sortie de la chanson. J'ai, de ma naissance à sa mort, toujours appelé mon père "papa" : on peut donner du "Monsieur" et du "vous" à son père, pas à son papa.
Bien sûr, à l'instar de Guichard, et comme tout un chacun j'imagine, je dois bien avoir à me reprocher, au temps de mon adolescence, l'un ou l'autre moment d'énervement ou d'incompréhension à son égard, mouvements qu'il ne méritait certainement pas : je n'ai guère connu d'individus aussi calmes et pondérés que lui. En l'évoquant, j'ai parfois des doutes sur la fiabilité de l'hérédité : ma façon d'élever mes propres enfants ne semblait rien devoir au calme olympien de mon paternel.
Il avait des principes : chez nous, pas d'achat à tempérament, on épargnait avant d'acheter, quelle qu'ait pu être la vigueur du désir. Là aussi l'hérédité me questionne, moi qui ai souvent vécu "en avance sur mon temps" comme j'en plaisantais volontiers moi-même.
Immigré économique de deuxième génération (sa mère avait déménagé de la région d'Anvers vers celle du Centre après la première guerre mondiale) il était devenu électricien, habile de ses mains, intelligent mais peu passionné de culture (entre son boulot, son jardin, sa maison, ses enfants où aurait-il trouvé le temps de lire ?)
Bref, un père aimant bien que taiseux, fiable, droit, serein, toujours présent. Quand, parcourant ces blogs où percent des enfances difficiles, je pense à lui, je me dis que j'ai été pendant longtemps bien inconscient de croire qu'une jeunesse heureuse est dans la nature des choses, sans trop me demander ce qu'elle a pu coûter à ceux qui me l'ont offerte.
De temps à autre, suscitant mes souvenirs, son image apparaît, fugace, au bord de mon écran. C'est la seule de lui qui figure sur mon ordinateur, résultat de la numérisation (pour je ne sais quelles raisons) d'une diapositive. C'est une image de vacances à la mer du Nord. Il est encore jeune, plus que je ne le suis moi-même aujourd'hui. Mais ce pourrait être n'importe laquelle de ses photos, il y serait pareil à lui-même : serein.
Et ne la ramenez pas avec l'hérédité, je sais, il avait des cheveux, lui !