Dans la farce du poivron, une minuscule feuille de thym et ce parfum qui, subitement m'évoque l'image d'un jardin divisé en petites parcelles et rempli d'enfants affairés. L'instituteur a déterré une grosse touffe de thym. Il en démarie les pousses et les distribue. Chacun part repiquer la sienne dans sa parcelle. Faire un trou dans la terre meuble, introduire la petite plante, donner du pied, arroser...
Je me serais cru dans "L'Ecole buissonnière". Un film qui avait fort impressionné l'enfant du "Pays Noir" que j'étais, avant qu'une mutation de mon père ne m'amène dans ce jardin, lors de ma quatrième primaire.
Mutation, jamais mot ne fut plus approprié !
Là-bas, où les poussières de charbon et celles des aciéries brouillaient l'air, où la lueur des hauts-fourneaux rougissait le ciel nocturne, où éclataient en feux d'artifices les gerbes d'étincelles des convertisseurs, là-bas l'école ressemblait à une caserne et nous étions une vingtaine dans ma classe de troisième.
Ici, l'école ressemblait à l'aile d'un petit château (en réalité la Maison communale) et nous étions une vingtaine de garnements dans l'unique classe regroupant les six années de primaire. Il y avait même un olibrius esseulé qui était dans le "quatrième degré" mais, à part l'instituteur, personne ne savait s'il était en septième ou en huitième, même pas lui !
Là-bas, les cours étaient donnés avec sérieux, certes, mais sans trop d'imagination et il ne serait venu l'idée à personne de quitter l'établissement et pour voir quoi, d'ailleurs, les terrils, les tuyauteries de gaz, les wagonnets sur le carreau des mines, les étonnants téléphériques des carrières ?
Ici, on quittait l'école au moins une fois par semaine et tout était prétexte à étude et observation : la rivière, la mare, les champs de blé ou de betteraves, le troupeau de moutons, la scierie, la briqueterie. Ici quand on vous parlait d'un are, on sortait en tracer un dans la cour.
L'instit, nous disions "Le Maître", était prodigieux (pour faire mentir Papistache).
Évidemment, cumulant sa fonction avec celle de directeur, il lui était plus aisé d'imposer ses vues pédagogiques que dans un grand machin à allures collectivistes.
Dans cette école et ses dépendances, entendez tout le village, j'ai tout fait : monté des circuits électriques, écussoné des rosiers, enté des fruitiers, établi des statistiques de germination, fabriqué des briques, trait les vaches, décortiqué le moteur de la quatre chevaux, interviewé les ouvriers qui garnissaient la rue d'éventails de petits pavés de porphyre et ceux qui remplaçaient les plaques de protection des cuves de l'UCB, peint à l'aquarelle, contrôlé les poids des commerçants avec les fonctionnaires des poids et mesures, joué la comédie, construit des marionnettes...
Le rêve !
Sauf qu'il n'y avait pas de filles, mais bon, "là-bas" non plus.