La vengeance de la petite sirène
Mise à jour de ce blog en provenance des défis du samedi : aujourd'hui, la petite sirène. Mes excuses à ceux pour qui c'est une redite.
Sous le regard du phare
Chère Imogène,
J'ai assisté à un fait stupéfiant.
Il me faut le raconter à quelqu'un, mais ici, en Bretagne pourtant, personne ne m'écoutera. On me prendra plutôt pour un fou. Mais toi, splendide fille de Perth, ce pays où il y a plus de fantômes que d'habitants, je sais que tu me croiras.
Te souvient-il de cette baie tranquille, au pied du phare, dont nous longions les bords, main dans la main, dans un silence tendrement complice ? Cela fait plusieurs jours que j'y voyais ce Danois taciturne habitant la cabane de pêcheur, quitter l'embarcadère, se rendre au milieu de la baie, se pencher sur l'eau et en scruter la surface, comme s'il cherchait à y découvrir quelque-chose.
Il n'y a là, me diras-tu, rien de bien étonnant, hormis la répétition régulière de la chose. Au bout de quelques jours, ce qui n'était pour moi qu'une simple observation, se transforma progressivement en question lancinante : que pouvait-il chercher si obstinément ?
Hier, j'ai entamé ma promenade bien avant la marée et me suis dissimulé derrière des touffes de séneçon.
À mer étale, le Danois, comme chaque jour, s'est penché vers les eaux et, me croiras-tu ? Une merveilleuse nageuse, aussi blonde que tu es rousse, a émergé de l'eau. Elle a tendu le bras, faisant jaillir de l'onde une poitrine dont seule la tienne pourrait égaler la splendeur. Hans s'est penché d'avantage et... ils se sont enlacés et embrassés, très longuement...
Brusquement, la fille a replongé sous la mer, entraînant le Danois, tout occupé à son baiser. Un simple remous, et il ne restait que le youyou, se balançant mollement sur l'eau.
Au moment précis où l'étrange couple disparaissait, il m'a semblé voir poindre, un bref instant, l'extrémité d'une nageoire.
Je me demande si le corps de Hans va réapparaître et aider, comme tant d'autres avant lui, à la réputation de cette "Baie des Trépassés".
J'embrasse tes lèvres de velours et rêve de me perdre, moi aussi, dans l'océan de ton amour, ma sirène écossaise...