Cela faisait bien longtemps que je ne m'étais plus frotté au monde des noctambules.
Vous vous rappelez peut-être que dans une autre vie j'ai été scout. Voilà-t-y pas que deux ex-cheftaines guides de mon ex-unité nous convient, mon épouse et moi-même à participer à la fête d'anniversaire d'un ancien comparse de cette aventure.
Rendez-vous samedi à vingt heures dans un bowling flambant neuf aux frontières de notre capitale, un seul niveau, trente-six pistes, structure en béton.
Je ne me rappelais plus vraiment le bruit éclatant du choc des billes sur les quilles suivi du chapelet de petits échos rapides provenant des quilles s'abattant en cascade.
Je ne me rappelais plus le brouhaha sourd et obsédant des conversations qui va crescendo puisque chacun parle de plus en plus fort pour couvrir le bruit de fond.
Je n'ai pas participé à la partie. Depuis une hernie discale et un ligament de genou déchiré, j'évite ce genre d'activité. J'ai donc pu contempler à loisir le spectacle autour de moi, mon verre à la main. Cela faisait aussi longtemps que je n'avais plus bu deux bêtes pils à la suite.
Au début, il y avait une majorité de familles qui achevaient leur partie avant d'aller coucher les enfants. Puis au fil du temps le public s'est modifié. Le machin ne désemplissait pas.
Vers vingt-deux heures une sorte de brume légère s'est répandue sur les pistes, l'ambiance est devenue de plus en plus sombre, l'éclairage brillant des pistes a été progressivement remplacé par un éclairage fluo, des faisceaux lasers se sont mis à décrire d'étranges courbes et une musique n'ayant rien à envier à celle des discothèques a éclaté. Là, plus du tout moyen de se comprendre sans hurler.
Dans le "box" suivant le nôtre, trois couples d'origine nord-africaine (dont une jeune dame au visage souriant portant le voile). Une de ses compagnes, une beauté à la chevelure de jais, se lève et au lieu de prendre une bille pour participer à la partie, se ceint les hanches d'un foulard bleu bordé d'une cascade de sequins.
Sur la piste d'élan , elle se met à danser sur un rythme endiablé, son déhanchement rapide faisant tressauter et voler les petites pièces métalliques, révélant une pratique assidue de la danse orientale (que nous appelons communément danse du ventre). Tout à la fois déchaînée et lascive, quel spectacle !
Seul petit bémol : elle interrompt régulièrement le mouvement harmonieux de ses bras pour rabattre d'un geste vif son teeshirt sur son nombril qui commence à se découvrir. Peu après, ils ont quitté les lieux. Dommage.
Partageant le même box que nous, une famille en provenance des pays de l'Est : quatre mecs, deux femmes, deux jeunes garçons. D'un sans-gêne total, les enfants débordant sur notre piste d'élan à chacun de leurs lancers, les mecs vêtus de teeshirts Armani portant gourmettes et colliers en or massif et carburant au whisky (pas trop classe le whisky : un vulgaire blend de chez Lawson) ils ont même renversé une partie de leur bouteille sur les chaussures de l'un d'entre-nous.
Bref, enivrante soirée.
Nous avons quitté l'endroit un peu après minuit, ça ne désemplissait toujours pas, au contraire. Apparemment, ce n'est pas la crise pour tout le monde...
En sortant de là, nous sommes allés manger un bout dans une gargote locale. Cela faisait aussi une paie que je n'avais plus erré dans Bruxelles à la recherche d'un resto ouvert après minuit. Et je peux vous assurer d'une chose, c'est pas demain que je recommence !
Par contre, mon épouse a convié à dîner pour un de ces soirs les deux joyeuses organisatrices de cette petite virée. Va falloir avertir les voisins : elles sont totalement déjantées et ont le rire aussi tonitruant que fréquent.
Autre charmante soirée en perspective, donc.
J'aurais dû demander ses coordonnées à la danseuse orientale.