Bon voyage !
Une étrange épidémie sévit dans notre immeuble : les gens le quittent ! (Bon, ils sont vite remplacés par d'autres, mais...)
Vous me direz : "Logique, ils craignent la contagion !" à quoi je répondrai : manière bizarre d'éviter une maladie qui consiste à précisément à quitter l'immeuble...
Il y a même un foyer d'infection au deuxième : à la mi-février c'est la dame habitant dans notre colonne qui s'en est allée, samedi ce sera une de ses voisines de palier : une charmante petite dame, veuve depuis peu.
Hier en rentrant d'une des promenades du chien qui est une chienne, je l'ai croisée dans le hall d'entrée et lui ai dit combien nous la regretterons. Et apparemment nous ne sommes pas les seuls de cette opinion : le bâtiment lui-même essaie de la retenir : tandis que nous parlions, une petite vis débordant de la fixation de la poignée de la porte s'est accrochée à une maille de son lainage. J'ai dû l'aider à se libérer...
Pendant des années, chaque fois que je l'ai rencontrée dans les couloirs, l'ascenseur ou lors de son tour de quartier quotidien, dynamique, élégante, une fine ligne bleue au bord des paupières, j'ai pensé que je n'osais même pas imaginer la splendeur qu'elle avait dû être dans sa jeunesse.
Aujourd'hui, rentrant des courses, je l'ai à nouveau croisée, elle allait sortir sa Toyota du garage pour faire elle aussi des courses, se rendre à une de ses séances bihebdomadaires d'aquagym ou que sais-je encore...
Elle m'a avoué que, sans doute à cause de son déménagement, elle commençait à ressentir un peu plus la fatigue. Mais elle est confiante, la semaine prochaine, dans son nouveau petit appartement de la côte, elle n'atteindra jamais que... nonante-huit ans !