Au moment précis où, ce matin, la promenade du chien qui est une chienne terminée, j'entame le contournement de mon véhicule pour m'installer au volant, une voix tonitruante résonne derrière moi : "Monsieur !"

Comme je ne me retourne pas vite assez à son goût, elle insiste : "Monsieur, je vous appelle !". Je m'arrête et me retourne donc.

C'est un individu plutôt costaud en tenue de sport : short ample, bas de footballer, chaussures de jogging,  veste de pluie ouverte sur un tee-shirt où saille une bedaine honorable. Ses cheveux mi-noirs mi-gris tombent d'un bandeau jusque sur les épaules bien qu'ils soient vachement frisottés. Il porte à la main un sac plastique rempli de détritus variés : canettes et emballages de chips et autres saloperies.

Ce mec, je le reconnais immédiatement : ça fait des années que je l'aperçois à presque chacune de mes visites au domaine des Trois Fontaines : il trottine en rond dans la grande prairie puis, il se rend dans le chemin joignant le jardin devant l'orangerie à la porte arrière du bâtiment des écuries, chemin dont il monte puis descend en boucle les deux volées d'escaliers.

Vu et entendu de près avec sa peau basanée et son accent il ne peut dissimiler ses ascendances maghrébines.

Il est vachement remonté parce qu'en traversant à pied les travaux sous le ring, il a collecté deux sacs de déchets et qu'il a suggéré à un des travailleurs de placer une poubelle pour collecter ces détritus au lieu de les bazarder n'importe où et que le gaillard "qui ne parle ni flamand ni français" lui a ri au nez ce qui lui a bien donné envie de lui foutre son poing sur le sien.

J'ai eu droit à la totale, malgré que je ne lui répondais que par quelques grognements vaguement  approbateurs :

  • les salopards qui jettent leurs contenants là où ils ont consommé le contenu
  • le sucre et autres saloperies dans le Coca
  • les trucs radioactifs dans le tabac
  • le bien qu'il pense de mes promenades avec le chien (je n'ai pas spécifié le sexe de la bestiole), le bien que fait la pratique sportive et la sienne tout particulièrement
  • la lourdeur de mes bottines que je devrais remplacer par des chaussures multicolores comme les siennes (balayant ma carrière de boy-scout randonneur convaincu que pour éviter les entorses en terrain accidenté, rien ne vaut aune bonne paire de godasses)
  • que je devais boire au moins deux litres d'eau par jour (ce que je fais depuis vingt ans), mais il tolère la bière
  • ...

Il s'est alors sans doute rendu compte qu'il me tenait la jambe depuis plusieurs minutes et a déclaré qu'il allait me laisser renter chez moi, s'enquérant néanmoins de mon prénom pour mieux me saluer. Je le lui ai donné et c'est là que j'ai compris que j'aurais dû m'abstenir :

"Jean-Claude ! Comme Van Damme !" ...  et c'est reparti pour un tour : les exploits et sentences de JCVD avec qui son cousin Mustapha a tourné dans un film, les acteurs belges au cinéma, Benoît Poelvoorde et tutti chianti, comme disent les Italiens.

Il a fini par me quitter sur un vibrant "Bonne journée Jean-Claude !"

Il n'a pas ajouté "À la prochaine !", mais je ne peux m'empêcher de craindre le pire...