Immigré
Chez ma fille, l'autre jour, on parlait de lapins et ça m'a rappelé mon père qui, au temps de ma jeunesse, en élevait quelques uns, les tuait, les saignait en leur enlevant un œil, les dépiautait, etc...
Dans la foulée, je me suis souvenu d'un jour où pour soigner le "doigt blanc" que je devais à mon onychophagie, il était sorti dans le jardin, en était revenu avec une petite feuille de poireau, en avait enlevé les couches "épidermiques" (il avait un petit canif à manche en corne dont la lame affûtée sur une pierre à l'huile coupait comme un rasoir) et l'avait enroulée autour de mon doigt comme pansement.
D'où tenait-il ces savoir-faire, lui qui, natif d'Hoboken, patelin industriel s'il en est, avait immigré en Wallonie en compagnie de sa mère veuve de guerre ?
Trop tard pour le lui demander ! Mais il semble qu'à cette époque la majorité des gens connaissaient un tas de pratiques entre le jardinage, la taille des fruitiers, le petit élevage, le ressemelage des chaussures, la réparation des bicyclettes, le rafistolage des chaises à la colle d'os, j'en passe et de meilleures.
Quand je pense qu'aujourd'hui, ajouter un cran supplémentaire à une ceinture semble un problème insoluble pour certains...
Tout ça pour vous dire que je suis un fils d'immigré, mais qu'étonnamment, mon père n'a pas jugé bon de m'enseigner la langue de sa région d'origine (je connais des immigrés italiens de quatrième génération qui continuent de parler leur idiome). Remarquez que ma mère ne m'a pas non plus appris le liégeois.
Tout ça m'a valu des réunions de famille où la génération précédente (sauf ma mère) discutait en flamand et où par conséquent je n'entravais que dalle ! Ce qui me revient aujourd'hui, c'est qu'ils utilisaient tous à profusion la même expression : "Ik zeg dat". Eh bien moi,"Je dis que" je trouvais ça très bizarre !