On va finir par le savoir !
C'est marché de Noël au Bois du Cazier à Marcinelle. Mon épouse m'y a entraîné; elle voulait y rencontrer quelqu'un.
Autour de cet ancien charbonnage célèbre depuis qu'une catastrophe s'y est produite au temps déjà lointain de son exploitation, il n'y a pas une place de stationnement à dégoter. Aussi ai-je déposé ma moitié à l'entrée avec pour consigne de m'appeler dès qu'elle en aura terminé avec son amie.
À force de chercher un endroit où attendre son coup de fil, je finis par découvrir un immense parking complètement désert en face du cimetière local. Celui-ci est établi sur une butte qui domine le charbonnage : il se trouve à quelques centaines de mètres de ce qui fut son principal fournisseur.
Malgré mon goût des endroits reposants, je ne le visite pas : le soir tombe, il fait de plus en plus sombre et une petite promenade avec le chien m'a déjà permis de goûter le côté mordant du vent d'hiver qui balaie le sommet de cette colline. Et de toute manière, je sais que j'y trouverais le carré réservé aux victimes des catastrophes minières, je connais par cœur ce genre d'endroit, je suis né à quelques kilomètres, au beau milieu du "Pays Noir". Je reste donc dans la voiture, le téléphone à portée de main.
À la radio, Xavier Deutsch vante les qualités de la collection "La Pléiade". Dommage qu'il croie utile lui aussi à cette occasion de nous assurer qu'on n'est plus le même homme quand on a terminé la lecture de... À la Recherche du Temps Perdu !
Enfonceur de portes ouvertes !
Évidemment qu'on est un autre homme, avec le temps qu'on y passe on est vachement plus vieux qu'avant de s'y être mis.
Dommage, avant je l'avais trouvé bien ce garçon qui prônait la circulation des livres (en les abandonnant dans des endroits publics accompagnés d'une petite note engageant le découvreur à les lire et à continuer la circulation) et déclarait qu'il n'aimait pas les auteurs qui croient utile d'expliquer aux lecteurs comment lire leur œuvre. Tandis que vous écrivez votre roman, disait-il, vous êtes le maître, vous en faites ce que vous voulez, mais dès que vous le faites éditer, il ne vous appartient plus, il devient la chose du lecteur qui en fait à son tour ce qu'il veut et l'interprète de la façon qui lui chante. Et si ça ne vous plaît pas, ben tenez-le pour vous votre bouquin !
Ouais, dommage, il était bien ce garçon avant de ramener sa madeleine...