Non, je n'étais pas en vacances
Dans un commentaire de son blog, l'Adrienne suggérait que je me fende d'un nouveau billet sur le mien.
Ses suggestions sont des ordres pour moi, d'autant qu'Adrienne était le prénom de ma mère, une personne charmante mais au caractère bien affirmé, dont il eût été malvenu de négliger les "souhaits".
Pour expliquer mon silence prolongé, j'aurais pu évoquer ma conversion en taximan partageant mes courses entre un salon de coiffure de Tervuren où Émilie effectuait un job de vacances, le domicile de son coach de Latin à Woluwé-Saint-Lambert et son manège à Strombeek-Bever, mais cela n'aurait valu que pour les premières semaines de juillet. Pour le reste, j'ai un argument massue : je me suis remis à la lecture. Quand j'en ai eu terminé avec les derniers Elisabeth George, Pieter Aspe, Dan Brown et Camilla Läckberg, je me suis trouvé subitement démuni et, je l'avoue à ma grande confusion, je me suis rabattu sur le monument proustien, progressant de la page 921 à la page 1149.
Comme j'agis à la demande d'Adrienne, je vais à son image vous donner la référence de l'extrait que je ne puis m'empêcher de soumettre à votre admiration. Il débute en l'ultime ligne de la page 1061 de l'édition monovolume de "À la recherche du temps perdu" dans la collection Quarto de Gallimard, dépôt légal novembre 2010, ISBN 978-2-07-075492-2.
Accrochez-vous :
Mais enfin chez Saint-Loup, de quelque façon que les défauts des parents se fussent combinés en une création nouvelle de qualités, régnait la plus charmante ouverture d'esprit et de cœur. Et alors, il faut bien le dire à la gloire immortelle de la France, quand ces qualités-là se trouvent chez un pur Français, qu'il soit de l'aristocratie ou du peuple, elles fleurissent - s'épanouissent serait trop dire, car la mesure y persiste et la restriction - avec une grâce que l'étranger, si estimable soit-il, ne nous offre pas. Les qualités intellectuelles et morales, certes les autres les possèdent aussi, et s'il faut d'abord traverser ce qui déplaît et ce qui choque et ce qui fait sourire, elles ne sont pas moins précieuses.
J'hallucinais déjà, mais le meilleur restait à venir :
Mais c'est tout de même une jolie chose et qui est peut-être exclusivement française, que ce qui est beau au jugement de l'équité, ce qui vaut selon l'esprit et le cœur, soit d'abord charmant aux yeux, coloré avec grâce, ciselé avec justesse, réalise aussi dans sa matière et dans sa forme la perfection intérieure. Je regardais Saint-Loup, et je me disais que c'est une jolie chose quand il n'y a pas de disgrâce physique pour servir de vestibule aux grâces intérieures, et que les ailes du nez sont délicates et d'un dessin parfait comme celles des petits papillons qui se posent sur les fleurs des prairies, autour de Combray ; et que le véritable opus francigenum dont le secret n'a pas été perdu depuis le XIIIème siècle, et qui ne périrait pas avec nos églises, ce ne sont pas tant les anges de pierre de Saint-André-des-Champs que les petits Français, nobles, bourgeois ou paysans, au visage sculpté avec cette délicatesse et cette franchise restées aussi traditionnelles qu'au porche fameux, mais encore créatrices.
Suite à cette lecture édifiante, je vous demanderai de bien vouloir m'aider dans le choix de l'illustration en votant pour le meilleur portrait du Français moyen parmi les deux finalistes du concours :
Votez !