Qu'est-ce qu'on est con quand on est jeune ! (Et ça ne s'arrange pas avec l'âge, croyez-en ma douloureuse expérience...)
Comment ça m'est revenu ? En voyant sur le côté droit de mon écran la photo d'un corbillard à l'ancienne mode, vous savez, celui des funérailles d'antan qui suivait la route en cahotant.
Nous venions juste de déménager, mes parents et moi (et mon frère puîné). Il neigeait et faisait un froid de canard.
Dans mon nouveau patelin d'adoption, on venait de rapatrier la dépouille d'un soldat mort pour la patrie Dieu seul sait où sur le théâtre des opérations (et même, plus vraisemblablement, dans un quelconque stalag).
Avec mes copains d'école, nous faisions la haie, stoïques sous les flocons et la morsure du petit vent glacé.
Au pied de l'escalier menant à l'église (dont la toiture du clocher était dangereusement de guingois), toute la population du village avait fini par se rassembler, puisque les personnes disposées le long du trajet du cortège funéraire s'étaient intégrées à ce dernier au fur et à mesure de sa progression.
C'est donc là que nous avons eu droit aux discours de circonstance prononcés par quelques édiles communaux et autres présidents d'association d'anciens combattants ou prisonniers de guerre.
Au sortir de la guerre, en pleine question royale, on ne lésinait pas sur le patriotisme et les morts au champ d'honneur étaient encensés, portés aux nues même.
Pris par l'ambiance du moment et emporté par ma candeur naïve ( je sais que c'est un pléonasme, mais c'est pour me mieux faire entendre), je n'étais pas loin de jalouser le héros du jour lequel ne pipait mot, engoncé qu'il était dans son uniforme d'apparat en chêne massif.
Aujourd'hui où quelques enragés se verraient bien transformer ma ville en nouvelle Sarajevo, je me demande si cette exaltation n'était pas un brin surfaite. Qu'est-ce qu'on est con quand on est jeune ! (Et ça ne s'arrange pas avec l'âge, croyez-en ma douloureuse expérience...)