La fille dans la vitrine
Il est environ dix heures. Je n’irai pas jusqu’à dire que le Campo de Sienne est pratiquement désert, disons qu’il n’est pas encore surpeuplé.
Tandis que j’en fais lentement le tour, deux choses insolites attirent mon regard. D’abord, un individu, de mèche (ouais, je sais, facile… mais avouez que la mèche valait le jeu de mots) avec les touristes iconoclastes (dont je suis, à mon corps défendant), met les moyens et la détermination pour contribuer à la destruction du patrimoine local.
Ensuite, isolés dans un coin sur leur balcon, deux personnages se désintéressent manifestement du spectacle de la place. Comment sont-ils arrivés à cet endroit que l’on doit louer à prix d’or lors du Palio ? Je l’ignore.
Pour mieux les situer, je cadre un peu plus large. Evidemment, un noir déboule de Dieu sait où et vient gâcher la prise de vue. Remarquez, je n’ai rien contre les noirs, je constate simplement l’effet de sa présence.
Mais le soir, de retour à La Pineta, lorsque je transfère les photos sur le portable, dans les vitres du magasin, en bas, à droite : un reflet. Une mère en robe fleurie se rafraîchit le pied à l’eau de la fontaine.
Je suis toujours surpris des choses que je découvre sur ces photos-souvenir obligées de touriste obligé et que je n’y ai pas mises volontairement. C’est bien la seule raison qui fait qu’après les avoir prises et avant de les ranger dans des directories où elles dormiront sans doute à jamais (ou jusqu’à démagnétisation du disque), je les regarde avec intérêt pour y deviner en un reflet déformé, le galbe délicieux du mollet qu’une inconnue ne soulevait certainement pas à mon intention.