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Entre nous
30 janvier 2009

Une brique dans le ventre

Le Belge est réputé avoir "une brique dans le ventre".

Je dois être un mauvais Belge car je ne suis propriétaire d'aucune brique. Pourtant, un jour, j'en ai eu une. Une que, pour tout dire, j'avais fabriquée moi-même. Hélas, je ne l'ai plus, elle a été intégrée à un muret...

Un jour, notre instituteur nous emmène voir la briqueterie locale. En émigré carolorégien habitué aux industries lourdes je fus fort étonné en arrivant sur les lieux de ne découvrir aucune construction, seulement quelques individus qui s'activaient au bout d'un champ.

En gros, les gaillards procédaient comme suit : ils tassaient dans des moules de l'argile extraite sur place. Ils démoulaient les briques crues et en constituaient des lits séparés par des claies. Ils arrêtaient de superposer les lits lorsqu'ils avaient obtenu un édifice qui, selon mon souvenir, devait faire une surface au sol de grosso modo six mètres sur trois et une hauteur d'environ deux mètres. Plusieurs de ces parallélépipèdes étaient alignés côte à côte. Il arrivait un temps où les briques du tas le plus ancien étaient sèches. C'est alors qu'ils le démontaient pour le reconstituer un peu plus loin en alternant couches de briques et de charbon.

Nous n'avons pas assisté à l'allumage ni à la cuisson (elle durait plusieurs jours). Lorsque nous sommes arrivés, ils étaient en train de trier leur dernière production. Il faut dire qu'avec cette méthode artisanale, la qualité était très irrégulière. Entre les briques fendues, tordues, friables, partiellement vitrifiées, le rendement n'était pas terrible.

Nous avons donc interrogé les ouvriers, puis nous sommes repartis non sans emporter, le cancre de service et quelques costauds aidant, quelques seaux d'argile.

Rentrés à l'école, le maître nous a déclaré : pour demain, vous apporterez une petite caisse ou boîte pas trop grande, nous allons fabriquer des briques.

Rentré chez moi, la puce à l'oreille, je demande à mon père : "Pourrais-tu me fabriquer une petite boîte sans couvercle de dimensions intérieures 6x4x2 cm ?"  "Un jeu d'enfant", me répondit-il et en quelques minutes, la chose était faite à partir d'une boîte à cigarillos.

Le lendemain à l'école, bingo ! Fallait calculer le volume de la boîte. J'ai eu fini le premier.

La suite fut moins drôle, nous avons rempli nos boîtes d'argile bien tassée, démoulé, nous avons pesé nos briques crues, déduit la densité de l'argile, constaté qu'elle n'était pas la même pour toutes les briques etc.

Après ça, nous avons mis à sécher nos briques dans la grande salle voisine de notre classe.

Nous les avions presque oubliées lorsqu'un jour l'instituteur nous annonça "Nos briques sont sèches, nous allons les cuire. Dans le poêle nous avons empilé papier, bois d'allumage, charbon, briques, charbon... et nous avons bouté le feu.

Le lendemain, nous avons extrait nos briques du poêle refroidi. Beaucoup, surtout les plus grosses, avaient éclaté. La mienne, la plus petite de toutes avait résisté. Nous avons repesé et remesuré celles qui étaient entières. Vous savez quoi ? Elles avaient rétréci ! J'ai dû passer au calcul écrit...

brique1


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28 janvier 2009

Enfer et damnation

Suite à ce déménagement qui m'avait donné le bonheur de rencontrer Maria, je débarquai dans une nouvelle école primaire. C'est là que, pour la première fois, j'ai rencontré Dieu (ou, en tout cas, son représentant).

Paradoxalement, bien qu'ayant été baptisé, je n'en avais jamais entendu parler avant.

En fin de matinée de mon premier samedi dans cette nouvelle école, le curé du patelin a débarqué, s'est installé au bureau du "maître" et nous avons commencé à lire un des chapitres d'une sorte de condensé de la Bible à l'usage de la jeunesse laborieuse.

Quand j'y repense aujourd'hui, cela ne laisse jamais de m'étonner : l'école appartenait au réseau communal, officiel donc, et personne n'avait consulté mes parents sur la question de l'enseignement religieux. Moi, ça faisait mes affaires : un bouquin de plus à lire ! Il était illustré car je me souviens d'une gravure qui m'avait fort frappé : on y voyait Absalom pendu par les cheveux à son chêne tandis que Yoav s'apprêtait à le transpercer de sa lance.

À ce point de l'histoire, ça restait amusant : ce n'était qu'une... histoire.

C'est devenu moins drôle lorsque commença la préparation à la communion solennelle. Par tradition peut-être, mes parents qui ne s'étaient mariés que civilement, tenaient à ce que je la fasse. Me voilà donc embarqué dans la catéchèse avec l'irruption du bien et du mal, du péché, du châtiment, du paradis, du purgatoire, de l'enfer, des limbes même !

Une vision du monde bien dans la ligne du Dieu jaloux, vengeur et vindicatif de l'ancien testament. Le tout enseigné par un prêtre asthmatique qui se fût trouvé mieux dans une maison de retraite qu'au milieu d'enfants turbulents et d'acolytes buveurs de vin de messe.

Durant cette période, je me posais une étrange question : "Si Dieu me proposait d'envoyer tout le monde au paradis moyennant ma propre damnation éternelle, accepterais-je ?"

Interrogation stupide s'il en est. On ne sait que trop bien depuis la femme de Lot comment Dieu conclut ses marchandages.

N'empêche qu'au bout de deux ans de pratique religieuse et d'endoctrinement, je rêvais de devenir prêtre. Ne fut-ce que pour l'étonnant prodige de faire surgir Dieu au bout de mes doigts par une sorte de formule magique.

Le curé ne se tenait plus de joie, il rendit même visite à mes parents pour s'enquérir de leur éventuelle acceptation de ma vocation (précoce, faut-il le préciser). Ceux-ci n'élevèrent aucune objection, pour peu que ce fût réellement mon choix et, à mon intense stupéfaction, parlèrent même de régulariser leur mariage au plan religieux.

Par bonheur, il y avait le célibat des prêtres et... Maria !

Bien que je n'eusse pas encore à l'époque embrassé la moindre fille (et il s'en faudrait de longtemps encore) mon imagination fertile me fit entrevoir ce que pourrait avoir d'insupportable toute une vie à l'écart des femmes. Cela mit une fin abrupte à ma vocation.

C'est depuis lors que je voue à la gent féminine une gratitude et une admiration sans bornes.

Absalom


26 janvier 2009

L'emmerdeur

Mon épouse doit passer les deux prochaines nuits à l'hôpital.

À peine rentré de l'y avoir conduite, déjà je m'ennuie d'elle.

Plus personne à "faire enrager" !

Ça me change des soixante-six années précédentes !

Fr3


25 janvier 2009

Santé, Émile !

vandervelde

Sur la photo qui trônait, bien en évidence, au-dessus de la cheminée, chez mes grands-parents maternels, Émile Vandervelde était un peu plus âgé que sur celle-ci.

Dans ce logis d'ouvrier carrier, socialiste convaincu, son portrait tenait lieu de crucifix.

Ce gaillard à l'énorme carrière politique, président de la Seconde Internationale, est resté célèbre dans mon pays, bien longtemps après sa mort, pour avoir fait voter une loi que l'on désigna par son nom.

Cette loi avait pour but de combattre l'alcoolisme en interdisant la vente d'alcools forts (plus de 18°) dans les débits de boisson ainsi que la vente en magasin de ces mêmes produits en quantité inférieure à deux litres.

Votée en 1919, elle contribua fortement à enrayer ce véritable fléau (aidée, il faut le dire, par les Allemands qui avaient durant la grande guerre démantelé la majorité des distilleries pour récupérer le cuivre de leurs alambics).

Cette loi, tombée en désuétude — elle n'avait dû son efficacité qu'aux salaires de misère de l'époque de sa promulgation —, ne fut abrogée qu'en 1983. Aucun magasin ne l'appliquait plus depuis longtemps, sauf une chaîne d'obédience néerlandaise pour qui la loi était la loi. Ce qui valait à ses clients, dont j'étais, d'avoir les bars privés les mieux fournis du royaume.


18 janvier 2009

Rutebeuf

Régulièrement je me surprends, comme ce matin encore, à fredonner cette chanson adaptée par Ferré d'après Rutebeuf :

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est advenu

Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Je vous livre un extrait (à peu près équivalent) de la complainte originale :

rutebeuf1

Li mal ne sevent seul venir;
Tout ce m'estoit a avenir,
S'est avenu.
Que sont mi ami devenu
Que j'avoie si pres tenu
Et tant amé ?
Je cuit qu'il sont trop cler semé;
Il ne furent pas bien femé,
Si ont failli.
Itel ami m'ont mal bailli,
C'onques, tant com Diex m'assailli
En maint costé,
N'en vi un seul en mon osté.
Je cuit li vens les a osté,
L'amor est morte.
Ce sont ami que vens enporte,
Et il ventoit devant ma porte
Ses enporta.
C'onques nus ne m'en conforta
Ne du sien riens ne m'aporta.
Ice m'aprent
Qui auques a, privé le prent;
Més cil trop a tart se repent
Qui trop a mis
De son avoir pour fere amis,
Qu'il nes trueve entiers ne demis
A lui secorre.
Or lerai donc fortune corre
Si entendrai a moi rescorre
Si jel puis fere.

J'admire que nous puissions entendre encore, avec difficulté certes, cette langue du treizième siècle, plus proche de nos patois que de notre langue officielle. À Mons, on dit toujours "il ètoit" pour "il était" et dans presque toute la Wallonie, on dit "costè" ou "costé" pour "côté".

Mais mon propos n'était pas là, cette digression ne m'est venue qu'en promenant à travers le Web ma curiosité de vieil enfant.

Revenons donc à la chanson :

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
[...]
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Chaque fois que je l'entends ou qu'elle me vient à l'esprit par un mécanisme aussi obscur qu'impénétrable, une affreuse crainte m'envahit. Oh ! Pas qu'un jour mes amis m'abandonnent. C'est, hélas, dans l'ordre des choses.

Ce que je crains par dessus tout, c'est d'être un jour, moi-même, un de  ces amis qu'emporte le vent.


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14 janvier 2009

Allons en France

Ce matin, nous dit le moniteur, nous allons en France !

C'était mon premier séjour dans cette colonie de vacances organisée par la société où travaillait mon père. J'étais dans la section des benjamins, celle que les moniteurs — tous des routiers d'une grosse unité scoute catholique de Charleroi (Albert 1er) — avaient organisée comme une Meute.

On nous rassemble donc dans la cour. Dans ma candeur naïve, je m'attendais à sortir par la porte côté rue et à monter dans un car ou à prendre à pied le chemin  pour une excursion vers la France. J'étais tout excité : jamais je n'avais quitté la Belgique.

Voilà-t-y pas qu'au lieu de cela, nous nous dirigeons vers le fond de la cour et pénétrons dans l'immense prairie en pente qui nous servait de terrain de jeu et où je ferai, quelques années plus tard, ma première triangulation.

Nous suivons la pente, traversons tout le pré et franchissons la clôture aux fils de fer barbelés, nous traversons un bosquet d'aulnes et arrivons à une rivière : "L'Eau Noire". Elle ne payait pas de mine, mais nous avons malgré tout dû nous déchausser pour la franchir.

De l'autre côté, nous nous installons sur le tronc d'un épicéa solitaire culbuté par le vent, sa rosace de racines superficielles dressée à la verticale. Tandis que nous remettons nos chaussures, le moniteur s'exclame : voilà, nous sommes en France !

Merde ! Heureusement qu'il l'avait dit, je n'aurais rien remarqué ! Et vous savez quoi ? La France, c'était tout pareil à la Belgique : même paysage, pas même un parfum particulier. J'aurais cru que ça sentait la liberté, l'égalité, la fraternité même ! Rien, des prés et plus loin de rares champs.

Le temps d'aller, en haut du versant, jeter un œil dans un petit fortin abandonné, sombre abri de béton où la voix résonne étrangement et nous avons pris le chemin du retour.

Quelques jours plus tard, nous irons à Rocroi. Là, je comprendrai que la France, ce n'est quand même pas tout à fait la Belgique.

Aujourd'hui, sur Google Earth, je suis allé voir le village. La définition est beaucoup moins bonne que pour mon domicile. Mais on repère facilement l'endroit. L'ancien couvent, transformé en collège puis en centre de vacances est toujours là. La frontière, en jaune, suit le cours de l'Eau Noire

Sur la vue satellite, le marronnier — devant lequel, chaque matin ensoleillé, j'allais, assis dans une petite dépression du terrain, chauffer aux rayons du soleil montant un dos rachitique — couvre de son imposante couronne l'entièreté de la cour et cache même une partie du bâtiment. Il se situe sous le "C" de Petite-Chapelle, puisque tel est le nom de ce charmant village où, sans être inscrit dans aucun mouvement, j'ai pratiqué le scoutisme, deux semaines par an, pendant des années.

Petite_Chapelle


9 janvier 2009

Greta

Lundi, mon épouse et moi assistions à un office de funérailles en l'église de Bertem. C'est une dame qui conduisait la cérémonie, une diaconesse sans doute. Le rite était destiné à la maman de mon dernier supérieur hiérarchique (du moins en ce qui concerne le volet technique de mon travail). Je me suis dit que c'était peut-être l'occasion de vous en parler. Mais non, pas de mon travail, de mon chef !

Elle s'appelle Greta, c'est une ravissante (entendez par là qu'elle me ravit, moi en tout cas) petite Flamande. Elle possède une voix légèrement rauque et parle français avec un délicieux accent. Elle est dotée d'une intelligence brillante et est d'une extrème gentillesse. Elle a pourtant du caractère et, la première fois que je l'ai vue s'emporter, j'ai été sidéré, tellement je m'attendais peu à une telle réaction de sa part.

Nous nous pratiquons depuis bientôt vingt ans et sommes devenus les meilleurs amis du monde. Elle a, à mes yeux en tout cas, une étonnante caractéristique : plus je la vois évoluer en âge, plus je lui trouve de charme. Bien sûr, quand je le lui dis, elle rit.

Il y a quelques années de cela, je me trouvais dans son bureau et suite à je ne sais quelles circonstances, elle en vient à me dire en se frappant les hanches : "Regarde, je suis trop grosse !" Et moi de lui répondre : "Chef, seule votre connaissance imparfaite de la langue française peut vous faire déclarer cela, vous n'êtes pas grosse, vous êtes somptueuse". Elle s'est précipitée sur son Robert et Van Dale.

Un autre jour, dans le labo de mon amie Jaja (mais non, pas Janeczka, cette Jaja-ci), quelques unes de ces dames s'extasiaient devant le charme d'un nouvel engagé (je tairai son nom pour ne pas le faire rougir, je dirai seulement qu'aujourd'hui, il joue les experts en criminalistique) lorsque Greta déclara "Moi, je préfère les hommes mûrs".

Mais non, je ne me suis pas redressé en rentrant le ventre, je ne me suis pas senti concerné : elle n'avait pas dit "blets", non plus !

Greta1Greta3Greta4


 

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