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29 septembre 2008

Envahi par la Haine.

Du déménagement qui suivit ma rencontre virtuelle avec Maria, je n'ai, bien qu'il ait chamboulé mon existence, que d'assez vagues souvenirs.  Sauf un, précis : la garde-robe de la chambre de mes parents était en chêne massif. Ses panneaux se fixaient à la base par des goujons dont la tête sphérique était percée de deux trous perpendiculaires où l'on introduisait une tige pour procéder au vissage, quart de tour après quart de tour. Mais ce dont je me souviens surtout, c'est de l'odeur qui régnait dans ce meuble : un mélange de lavande et de boisé.

HaineMe voici donc installé dans notre nouvelle maison, bien plus spacieuse que la précédente. De l'autre côté de la rue coulait une rivière, plus étroite que la Sambre que je venais d'abandonner mais charriant des eaux tout aussi sombres et menaçantes.

Un matin, alors que depuis quelques mois je commençais à m'adapter à ma nouvelle existence, je découvris, avec stupéfaction qu'il y avait soixante centimètres d'eau dans les caves et qu'à l'arrière de la maison, la cour, un grand bac bétonné creusé dans le sol, s'était transformée en bassin de natation aux eaux noirâtres. Mon frère et moi trouvions ça très amusant. Nous étions bien les seuls, notre mère était consternée. Notre père, lui, était comme en toute circonstance, d'un calme parfait.

C'est qu'en amont, la rivière était utilisée par un charbonnage pour ses installations de lavage. Elle traversait ensuite un grand marécage pour parvenir enfin chez nous.  Avec le temps, les fines particules de charbon avaient, en se déposant au fond, fait monter le lit de la rivière, si bien qu'à la moindre montée des eaux, nous étions... envahis par la Haine !

Ce qui est étonnant, c'est que malgré ces poussières de charbon en suspension, cette eau était de bonne qualité car quand elle se retirait, j'ai souvent retrouvé les corps de tritons pourtant réputés ne vivre qu'en eaux propres.

Le phénomène s'est reproduit régulièrement pendant quelques années. Puis un jour, une cohorte de Flamands armés de bêches au fer d'une étonnante longueur a débarqué. À l'abri de pales-planches, ils se sont mis à creuser un profil en V, puis à le bétonner. Bref, ils ont canalisé la rivière.

Ces terrassiers et coffreurs débarquaient du fond de leur Flandre le lundi matin et y repartaient le samedi soir. Pendant la semaine, ils logeaient dans des baraques en bois de coffrage qu'ils avaient construites sur la berge séparant le canal de la rivière.

La journée, ils creusaient. Le soir, de l'autre côté de ce pont-levis dont je vous ai parlé, ils se retrouvaient dans un café habituellement fréquenté par les bateliers.  En raison de quelques bagarres qui égayaient l'endroit, on l'avait baptisé "Au coup d'hapiette" (au coup de hache).

C'est qu'on savait s'amuser en ces temps heureux !


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Commentaires
M
J'adore lire les souvenirs d'enfance...J'aime cette vérité chargée d'émotion qui jaillit de la mémoire quand on lui en donne l'occasion !
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A
Quand j'étais enfant, point d'eau dans les caves mais par contre, en période de fortes pluies, nous enfilions nos bottes et partions dans les prés inondés dans lesquels nageaient des tas de têtards. Qu'est ce qu'on s'amusait. C'est vraiment un excellant souvenir.<br /> Merci pour votre passage sur mon blog et pour vos encouragements
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P
Toujours aussi bien écrit et je trouve le commentaire de Tilu en parfaite adéquation.<br /> Je me tais donc.<br /> Pas mieux !
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J
Moi aussi quand j'étais enfant, je me baignais au sous-sol. Pas à cause d'un fleuve, mais parce que la maison n'avait pas de salle d'eau !!! Vé-ri-dique ! Ah ! Les campagnards ! Des débrouillards, quand même !
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T
La Haine! ça c'est un nom terrible pour une rivière... Avoir son paysage arrosé par la Haine, boire à la source de la Haine. Heureusement que les flamands ont réussi à la canaliser... la Haine.... brrrr....
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K
Oui, bien sûr...Il suffit d'ailleurs de lire les miens pour s'en convaincre. Je parlais des souvenirs d'enfance classique, normaux, simples. <br /> Ils sont souvent comme immergés dans une brume légère, lumineuse, rieuse.
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C
C'est vrai....les souvenirs d'enfance sont parfois durs, on en lit de ce genre sur des blogs<br /> Mais il y a aussi ce type de souvenirs d'un temps heureux...
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W
À la lecture de certains blogs, j'ai un doute quant à votre hypothèse chère Kloelle. Voulez-vous que je vous en raconte un angoissant ?<br /> En dehors de celui-ci, bien sûr :<br /> http://presquentrenous.canalblog.com/archives/2008/03/20/8392520.html
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K
Je me demande si les souvenirs d'enfance ne sont pas, par nature, des temps heureux.
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J
Happy days...
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