MAC's
Mais non, je ne vais pas vous les briser menu avec mes mémoires d'ancien combattant de la Grande Guerre. Celle qui opposa des années durant, en des luttes fratricides et sanglantes, les adorateurs du PC aux zélateurs du Mac. Je ne suis d'ailleurs pas certain qu'elle soit vraiment terminée.
Je vais vous narrer un des épisodes de mon unique visite au Musée des Arts Contemporains érigé sur le domaine du Grand-Hornu, à grand renfort de fonds européens.
Je ne me trouvais évidemment pas là de mon plein gré. Simplement, ma fille a une amie (que j'appelle ma deuxième fille, mais ça, c'est une autre histoire) dont un des passe-temps favoris est d'organiser des visites guidées en des endroits ou institutions les plus divers. Comme elle ne manque jamais d'y convier mon épouse, j'en suis à tous les coups.
Si vous n'avez jamais vu le site du Grand-Hornu (le siège d'un ancien charbonnage), ça vaut le déplacement, si toutefois vous ne perchez pas à plus de cent kilomètres de l'endroit, enfoui au coeur du Borinage, région d'où Van Gogh s'est, lui, enfui en quête de soleil. Y a juste le sombre bâtiment du MAC's qui gâche un brin la vue, même si aux dires d'architectes, eux aussi contemporains, il s'intègre parfaitement à l'ensemble. Déjà, à Bruxelles, ma ville d'adoption, architecte est une insulte, alors, l'opinion d'un architecte contemporain, je relativise.
Pour ceux qui seraient tentés de retrouver les artistes qui y exposaient à l'époque, cela se passait fin mai 2003 (c'est dingue, ce qu'on découvre dans les propriétés des fichiers jpeg).
Entr'autres merveilles offertes à l'ébahissement des fameux contemporains des artistes du même nom, il se trouvait dans une salle, réservée à elle seule, une étonnante réalisation plongée dans la pénombre : sur un lit de feuilles de lauriers (j'ai mis lauriers au pluriel car c'était un très gros tas de feuilles) gisait une sorte de pare-brise.
Notre groupe entourait la chose, la contemplant d'un oeil sceptique (et de l'autre consterné). Devant ce manque manifeste d'enthousiasme, notre guide, une charmante petite Française vachement concernée par son job, se met en devoir de tenter de nous faire comprendre la production, à défaut de l'apprécier.
Il s'agit, nous dit-elle, de la reproduction fortement agrandie d'un ongle. Réalisée en verre, elle a été déposée sur un lit de feuilles de laurier(s). Vous n'êtes pas sans savoir que dans l'antiquité, le laurier était un des symboles de l'éternité. Vous savez également que les ongles (tout comme les cheveux) continuent à pousser après la mort. C'est dans l'association de ces deux faits que l'artiste et bla bla bla et bla bla bla.
À la fin de son discours, la demoiselle quête des yeux et des oreilles une éventuelle réaction, un semblant d'approbation (déjà plus hypothétique) ou une question (tout-à-fait hors de question, justement).
Apathie totale du groupe. Devant sa déception, je vole à son secours.
Vous me plongez, chère enfant, lui dis-je, lui tendant la main, paume par-dessous, dans la plus insoutenable angoisse métaphysique ! Qui donc va me ronger les ongles après mon décès ?
Je l'ai sentie un peu interloquée, limite vexée peut-être, mais elle avait de la classe, ce ne fut qu'un très bref nuage puis, elle a souri et le sombre décor s'est éclairé soudain.
Edit du 21 avril 2011 : Vue plus générale pour Berthoise